problème mise à jour website nssfrance.com
Je tiens à vous faire part d'un problème de mise à jour sur le site principal nssfrance.com... en effet, le logiciel permettant de travailler les pages web ne fonctionnant plus sur mon PC, je suis obligé de temporairement mettre en suspens la mise à jour du site (et pourtant, j'ai un certain nombre d'article finalisé)... je m'en excuse sincèrement. Nicolas T.
NSSFRANCE @ 16:24 |
édito juillet 06
Discovery est revenu et à peine à
t’on su que l’astronaute européen Thomas Reiter est resté dans l’ISS pour
entamer la mission Astrolab pendant près de 6 mois. La mise en scène autour de
la navette a fonctionné à merveille et a réussi à éclipser le reste des enjeux
liés aux STS. Que ce soit le décollage, le déploiement du nouveau bras articulé
pour inspecter le ventre de Discovery ou le retour sur terre, à travers le
récit médiatique délivré, on ne sait presque rien des autres aspects de la
mission. Même l’ISS et sa construction, alibi clé de la remise en selle des
navettes, ont été complètement escamotés par les aventures de STS 121.
Evidemment, nous nous réjouissons
du retour en vol des navettes. Nous nous sommes déjà exprimé à ce sujet et sur
leur efficacité redoutable et nécessaire dans la construction de l’ISS. La
finalisation de la station internationale doit être soutenue et garantir nos
intérêts pour le plus long terme (on pense ici à notre module scientifique «
Columbus » qui doit être envoyer d’ici un an). Aussi, nous n’allons pas revenir
sur l’exigence de finir la station dans des conditions convenables mais les
aspects scientifiques, industriels, stratégiques ou prospectives concomitant à
la station, doivent primer. Pourtant, à nouveau, quelques petites leçons
doivent être tirées du vol STS 121. La mise en scène autour de Discovery,
volontaire ou pas, est déterminante pour pouvoir entendre parler des dernières
missions STS. Les enjeux ont été décuplés et ceci, là aussi, de façon
volontaire ou non. L’ISS, sur ce point, est beaucoup moins rock & roll que
les décollages et les atterrissages à suspens des vols STS. Les expériences en
laboratoire, les discours en orbite sur la destinée de la Terre ou l’entretien de la
station sont plus lointain et portent réthoriquement moins pour une audience en
quête de véritables enjeux et de nouveaux exploits. Les agences spatiales
devront travailler sur ce facteur pour rendre visible d’un point de vue
médiatique la présence de Thomas Reiter au sein de l’ISS. Nous sommes ici au
cœur d’un problème fondamental pour la politique spatiale en Europe : rendre
les missions passionnantes et faire comprendre les enjeux. C’est un nouveau
défi de taille pour l’ISS et l’occasion d’en faire un héros européen devrait
tenter les agences et responsables politiques à travers notre communauté.
Pourtant le manque de visibilité et la quasi confidentialité médiatique
d’Astrolab nous fait douter quelque peu de l’impact réel d’une telle mission
sur l’audience européenne ces prochains mois.
Avec Thomas Reiter, la politique
spatiale habitée européenne prend forme et sera concrète pendant près de 6
mois. C’est une occasion formidable à saisir. Nous espérons que tous les partis
en jeu autour de l’avenir de la politique spatiale européenne prendront
conscience de cette mission au delà d’une simple mise en scène purement
médiatique. Il faudra montrer que l’espace habité n’est pas seulement synonyme
de 100 milliards de dollars et d’inutiles expériences scientifiques en orbite.
Les résultats de ces expériences devront être expliquer et mise en valeur de
façon remarquable. Le tabou lié aux vols habités devra là aussi être discuter
de façon sereine et exemplaire. Evidement la politique de communication des
différentes agences et institutions en œuvre doit être revue mais la façon de «
vendre les vols habités » au public européen doit aussi être revue de fond en
comble.
A l’heure où l’espace mondial vit
des heures sombres, au moment où l’Union européenne se donne du temps pour
réfléchir sur son avenir politique, quel formidable symbole que de voir un
astronaute européen au sein d’un édifice international à dimension
géostratégique, scientifique et technique! L’Europe spatiale sera pendant 6
mois partenaire du plus vaste projet scientifique de notre temps – il est temps
d’exploiter à fond cette opportunité pour faire comprendre ce que l’on fait là
haut … !
Nicolas TURCAT
Président de la NSS France
NSSFRANCE @ 11:00 |
ISS : les illusions perdues ?
L’ISS fut un enjeu pour la recherche, elle est aujourd’hui menacée d’inefficacité.
Alors que nous avions déjà évoqué le scénario proposé par la NASA en 16 missions, ce dernier est accepté par les agences comme une solution viable pour faire vivre 6 hommes en orbite d’ici 2010. Outre les chiffres calamiteux qui ont été évoqués tout au long du projet, c’est l’empressement à finir le meccano ainsi que la gêne que provoque désormais la station auprès des agences qui dominent ces dernières années. En effet, depuis les projets présidentiels de retour sur la Lune ou vers Mars, la NASA semble clairement dans l’optique « de passer à autre chose ». Finis, les tours de Terre, finies aussi, les orbites ennuyantes sans buts précis. Pourtant il ne faut pas oublier que l’ISS, dans le contexte des années 70s ou 80s, tout comme le STS, était une étape vers d’autres projets plus ambitieux. Freedom ou le Shuttle étaient alors conçus comme des vecteurs de politiques plus larges mais surtout homogènes les uns avec les autres. Les révisions de configuration furent fatales à la cohérence de ces deux projets. L’ISS sans microgravité à grande échelle et la navette comme simple transporteur sont alors voués à la négation même de leurs missions initiales. C’est par ailleurs dans ce sens que la NSS France soutient à 100% le maintien des activités ISS et même l’extension de son champ d’application. Nous pensons que sortir du puits gravitationnel terrestre pose un problème majeur si l’on veut lancer des missions ambitieuses vers Mars ou vers la Lune et par conséquent, il faut passer par une station-port. Se doter d’un ensemble spatial cohérent est fondamental si l’on veut étendre ses activités humaines au delà de l’orbite terrestre.
L’énième révision de la configuration a ainsi vu le jour au KSC le 2 mars dernier et a vu confirmer le lancement, au 8ème vol prévu, du module européen Colombus. C’est une bonne nouvelle pour l’Europe spatiale et scientifique. Mais c’est surtout un lâche soulagement Les justifications principales données lors de cette conférence de presse sur la mise en oeuvre de l’ISS ont été clairement dévoyées. Il ne semble plus question de faire une station pour faire de la Science, mais l’ISS est mis en avant comme symbole de « l’importance de la coopération internationale dans le domaine ». Outre l’angélisme qui règne autour de l’idée de « solidité du partenariat ISS », on ne peut que rester dubitatif quant on voit les réductions incessantes du projet depuis plus de 10 ans ! D’autant plus que l’on se souvient de la perplexité voir de l’animosité régnante entre ESA et NASA ces derniers mois à propos du hardware destiné à l’ISS. On ne peut pas justifier 100 milliards de dollars de station spatiale juste sur le motif que l’on apprenait à coopérer au niveau mondial ! Il paraît évident que cet argument désormais avancé à longueur de conférence de presse est hélas purement médiatique et surtout un palliatif à la réalité décevante du projet final. Aussi, dans la déclaration commune des chefs d’agences, ces derniers rendent hommage au travail exceptionnel accompli par les personnes impliquées dans le projet : comme si ce projet était déjà enterré. Des mauvaises langues pourraient répondre que l’ISS est perdu depuis l’ère Goldin où l’idée de « Core version » avait émergée et atteindre un certain paroxysme avec nos 16 vols actuels pour compléter la station. Notons aussi que nombre d’hardware risque de ne pas être lancé faute de lanceur et surtout que nombre de modules ou plateformes ne seront jamais mises en service. Nous pensons ici à la plateforme d’énergie russe pour alimenter leur module scientifique, sans compter les problèmes d’alimentation électrique inhérents à la réduction des ambitions de l’ISS. L’architecture globale de la station pâtit de ces modifications revues, une fois encore, à la baisse, ce qui se répercute directement sur la mise en œuvre effective et qualitative des programmes scientifiques que l’on peut mener à bord. Toujours est-il que nos ambitions européennes sont sauves et qu’ils ne restent plus qu’à assurer nos missions correctement.
Alors même que la justification traditionnelle de l’ISS était de faire de la Science en apesanteur, cet argument semble désormais fondre comme neige au soleil. Les années 90s avaient renié les avantages de mener une politique de recherche en microgravité, les années 2000 ont fini d’achever les politiques de recherche un tant soit peu ambitieuses qui auraient pu être menées à bord de l’ISS. Les laboratoires de recherches envoyés ont été considérablement revus à la baisse (on pense ici aux modules russes, japonais ou même européen - si on pense au MTFF comparé à Colombus) et leur efficience sera aléatoire sur le long terme. La politique scientifique à bord de la Station va être réduit au strict minimum, et cela risque d’être dommageable pour l’usage même de la station – Ce fait est remarquablement interprété par Keith Cowing dans une des questions des transcriptions de la conférence de presse découlant de la réunion où il met en valeur « l’annulation de missions de recherche sur l’ISS, qui avaient été prévues pendant des décennies et qui avaient été citées comme LA raison pour faire cette station » et finalement les ambitions budgétaires allouées au domaine de la Science spatiale qui se voit réduit au Capitol – Sans vouloir dresser un tableau trop sombre de l’avenir scientifique de l’ISS, il paraît incontestable que nous sommes très loin des ambitions affichées il y a encore 10 ans ! Or si la justification scientifique est désormais moins évidente, nous ne voyons pas quels arguments vont avancer les chefs d’agences – outre la coopération internationale – pour défendre la station spatiale … ? Au sein de la NSS France, c’est précisément pour cette raison que nous légitimions les dépenses liées à l’ISS à un programme plus large d’infrastructure spatiale sur le long terme et à un apprentissage quotidien de l’espace par de multiples acteurs – ce qui ne sera pas le cas dans la configuration actuelle. Ni la configuration terminée en 16 vols, ni l’omniprésence d’astronautes professionnels – excluant les scientifiques de formation universitaire (même si la tendance s’inverse au sein du corps des astronautes – cf. les spationautes français ou américains) ne permettront d’obtenir des résultats probants. Si l’innovation et la croissance sont liées de façon durable, les investissements nécessaires au développement de la R&D spatiale auraient pu trouver leurs places dans l’ISS. Peine perdue, ces investissements risquent aujourd’hui d’être parcellaires et surtout mal utilisés, voir gaspillés dans le simple fait qu’il faille bazarder, au plus vite, le meccano spatial.
 Nasa crédits - Plan pour compléter l'ISS en 16 vols (ici et ici pour le schedule)
Pourtant il faut féliciter l’agence spatiale européenne pour avoir réussi à défendre les intérêts des états membres et surtout saluer l’opportunité qui nous est offerte pour développer une science spatiale (de microgravité) plus ambitieuse. Cependant, on ne peut que regretter la faiblesse de l’engagement et la pauvreté du discours servant à justifier la continuation de ce programme. L’exploration spatiale lointaine est devenue la priorité des deux côtés de l’Atlantique, mais il ne faut pas oublier que l’établissement d’une architecture spatiale cohérente et complète doit passer par une station-port qui servira d’interface. Nous voyons mal même à moyen terme comment se passer d’une station pour aller plus loin que la Lune ; sans compter la mise en valeur, presque marketing, à effectuer à court terme de cette station ! L’innovation et la R&D inhérente à la station étaient des justifications majeures, les choix faits aujourd’hui risquent de ne pas permettre d’obtenir les effets escomptés. Des solutions existent pour l’ISS et son allongement de durée de vie ainsi que son développement ultérieur devrait toujours être d’actualité, si l’on compte véritablement maintenir la présence de l’Homme dans l’espace. Toute la question est là.
Nicolas TURCAT – Président fondateur de la NSS France
PS : le plan NASA pour compléter l'ISS en 16 vols : ici
NSSFRANCE @ 12:56 |
Un ticket pour l'espace !!! mdr
Que ce soit un navet ou une franche rigolade ... Un ticket pour l'espace traite de notre sujet directement : ET CA FAIT PLAISIR !! Un film français qui lance une navette, plus proche d'un SSTO accroché à des boosters de STS ... C'est très bon ! Du space tourisme à la française avec Dussollier en guise de chef d'orchestre.... Sans parler de Guillaume Canet qui prend en otage la station ... Une station completement délirante mais vraiment magnifique ! Bref, que du 3ème degré à savourer avec excès !
Quoi qu'il en soit : Allez voir ''Un ticket pour l'espace'' avec Kad & O' - Nos grands comiques nationaux (snif ! l'époque de Comédie).
Bonne soirée.

 L'étoffe des zéros !
NSSFRANCE @ 23:56 |
Galileo, enfin !
Galileo, un enjeu stratégique pour l'Europe
PARIS (AFP) - NEW YAHOO.FR: Le projet Galileo, dans lequel 3,8 milliards d'euros vont
être investis d'ici 2010, représente un enjeu stratégique pour l'Europe
qui espère ainsi s'affranchir de la main-mise actuelle des militaires
américains dans la localisation et la navigation par satellite.

L'Agence spatiale européenne (Esa), qui copilote la phase de lancement
du projet avec l'Union européenne, avance un nombre d'utilisateurs de
ce type de service dans le monde de 1,8 milliard en 2010 et de 3,6
milliards en 2020.
A cette échéance, le marché mondial devrait représenter plus de 250 mds EUR.
Les bénéfices attendus devraient au
minimum être 4,6 fois supérieurs aux investissements consentis, ce qui
fait de Galileo le projet d'infrastructure le plus rentable engagé par
l'Europe, fait valoir l'ESA.
La navigation par satellite permet à un gestionnaire de connaître à
tout moment la position d'un camion ou d'un train, à un navire de
suivre son cap et à un automobiliste de trouver son chemin dans une
ville inconnue.
Mais elle rend aussi possible de retrouver un conteneur perdu, de
repérer une voiture volée, d'évaluer le temps restant avant le passage
d'un bus, de suivre les déplacements d'un délinquant porteur d'un
bracelet électronique ou de secourir un randonneur perdu en montagne.
La navigation par satellite a également de nombreuses applications dans
les activités nécessitant une topographie extrêmement précise:
l'exploration minière et pétrolière, l'installation d'oléoducs,
l'électrification en zone rurale, le placement de tours de
télécommunications...
Toutes ces applications sont déjà offertes par le GPS américain.
Mais les promoteurs de Galileo estiment que les besoins vont exploser,
parce qu'il va falloir maximiser l'utilisation d'infrastructures -
routes, voies ferrées, couloirs aériens, ports - souvent déjà
congestionnées.
La navigation par satellite est aussi vieille que la conquête spatiale.
C'est en suivant le tout premier satellite artificiel, Spoutnik-1,
lancé par les Soviétiques en 1957, que les Américains ont relevé que la
fréquence de son "bip-bip" changeait sous l'effet Doppler (variation
apparente de la fréquence d'une onde lorsque sa source est en mouvement
par rapport à l'observateur).
Ils en ont vite déduit que, inversement, un navigateur pourrait trouver
sa position en mesurant l'effet Doppler sur les ondes envoyées par un
satellite émettant sur une fréquence fixe à partir d'une orbite connue
avec précision.
Les applications ont tout d'abord été strictement militaires: pour
guider des missiles ou connaître le positionnement de troupes au sol.
Mais les civils ont pu accéder, gratuitement, aux services GPS à partir
de 1993.
Par rapport au GPS, avec lequel il sera compatible, Galileo apportera
une plus grande précision, inférieure au mètre. L'autre système
existant, le russe Glonass, est actuellement pénalisé par un nombre
insuffisant de satellites en orbite. Tant le GPS que Glonass restent
opérés par les militaires, ce qui ne permet pas de garantir la
continuité du service en temps de crise.
Commentaire de Nicolas Turcat : Enfin les partenaires industriels semblent s'etre mis d'accord quant à la destinée de ce programme. Relevons que ce projet est en grande partie possible grace à l'Union Européenne et est le premier programme du plan spatial européen ! Pour autant se contenter d'un projet comme celui-ci, serait improductif sur le long terme et surtout insuffisant au regard d'une UE un tant soit peu ambitieuse!
NSSFRANCE @ 19:03 |
Commentaire intéressant sur planete-mars.com
A propos du Conseil de l'ESA à Berlin en Décembre, L'association
Planète Mars a fait paraitre un commentaire intéressant sur son
website www.planete-mars.com. POUR LE LIRE :cliquer ICI.
Je vous conseille la lecture du dernier paragraphe qui va, à peu près,
dans le sens de notre association NSS France à propos de Klipper. Je me permets ici de citer l'auteur de ces lignes (Richard Heidmann -
Président de l'association Planète Mars) :
''En matière de vols habités, les délégations n'ont
pas retenu la proposition d'étudier une participation européenne au
programme de véhicule russe Klipper. Les incertitudes de ce projet sont
nombreuses : techniques (la conception n'est visiblement pas
stabilisée), politiques (quel type de coopération, quelles garanties et
quels retours pour l'Europe ?). Par ailleurs, le concept de corps
portant, beaucoup plus coûteux à développer que celui de capsule (type
Soyuz ou type CEV), est-il réellement justifié ? Ne peut-on en faire
l'économie, sauf à vouloir faire de la technologie pour la technologie
? Face à ces incertitudes, on peut se féliciter de la prudence des
délégations.'' - Sic pour la dernière phrase ... Peut-on vraiment se féliciter de ne pas choisir ???
Commentaire assez clairvoyant quant à ce programme auquel il faut porter une attention particulière.
Nicolas Turcat Président de la NSS France
NSSFRANCE @ 09:11 |
Un Conseil ministériel ESA bien gris ...
Un Conseil de transition qui entend faire acheter européen à des partenaires dénués de Vision commune.
Par Nicolas Turcat, Président de la NSS France.
Alors
que le Conseil de l’ESA au niveau ministériel se réunissait à Berlin
les 5 et 6 décembre 2005 pour décider notamment de l’avenir de
l’Europe spatiale ces trois prochaine années, les menaces sur
l’industrie du même secteur n’ont jamais été aussi présentes.
Depuis
quelques mois, il est de notoriété publique de dire que ce Conseil
n’apportera rien (l’idée du Conseil de transition est alors évoqué) et
ne sera qu’un compromis minimum sur la politique spatiale à moyen
terme. L’Europe sur ce point fait fausse route. Nous le ne répéterons
jamais assez, mais des lignes directrices doivent être trouvées,
soutenues politiquem ent et souscrites budgétairement.
Que fera
t’on d’ici 5 à 10 ans ? C’est la grande question à laquelle nous nous
devons de répondre si l’on aspire à quelques ambitions spatiales.
Un projet ! Une vision politique !
Pour
une fois, nous allons commencer sur une note positive avec
l’intervention de M. Roger-Maurice Bonnet (président du Cospar) lors
d’un colloque organisé en novembre par l’Office parlementaire
d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) à
propos de l’avenir de la politique spatiale européenne que nous ne
pouvons que féliciter : ‘’Les décisions stratégiques d’aujourd’hui
détermineront le futur dans 20 ans. Aux USA, l’Espace est considéré
comme élément politique stratégique. L’Europe devrait tirer la leçon de
cet exemple et se doter elle aussi d’un but politique et stratégique !
D’un projet ! Car sans Vision politique, sans le soutien financier
nécessaire, sans une communauté scientifique active et présente, sans
l’industrie, l’espace européen risque de disparaître et l’Europe ne
pourra être que dominée !’’. Outre le caractère évidemment
provocateur, mais nécessaire, de la déclaration de M. Bonnet, la
situation spatiale européenne est bien résumée et plus que
préoccupante. Rappelons que depuis 2003, plus de 4000 emplois ont été
supprimés dans le secteur spatial en Europe et la situation, entre 2006
et 2008, risque d’empirer selon le journaliste d’Air et Cosmos M.
Lardier (N°2005, 11 novembre 2005, page 37).

Une conjoncture minable et un Conseil bien gris
Alors
que le Conseil de Berlin était censé déboucher sur une révision des
perspectives de l’ESA à long terme, il semble se dégager de plus en
plus un consensus mou en faveur de programmes déjà engagés. Les
incertitudes concernant l’ISS, les vols habités, Clipper ou le FLPP,
sont d’autant plus préoccupantes que le Conseil de Berlin ou le Conseil
Espace commun de l’ESA et du conseil de compétitivité de l’UE ne
semblent rien donner sur ces sujets. En effet la France, l’Allemagne et
l’Italie, engluées dans une conjoncture politique négative pour toutes
propositions (élections en Italie et en France d’ici un à eux ans,
transition et rigueur du gouvernement Merkel en Allemagne) rechignent à
s’engager sur la voie des politiques spatiales habitées plus
ambitieuses. Nous pensons, en dépit de ce fait, qu’un contexte ne peut
faire une politique de manière générale. Aussi, nous comprenons la
difficulté à bâtir une Vision commune avec 17 membres mais nous pensons
que ce prérequis est fondamental pour la compréhension et le soutien
(implement and sustain) d’une politique spatiale européenne plus
ambitieuse.
L’ISS, et les vols habités.
De
plus le problème récurrent depuis 3 ans avec les Américains à propos de
l’ISS et des vols de navettes deviennent véritablement problématiques.
Songez que l’Allemagne consacre 300 millions d’euros à maintenir sous
cocon le module Colombus à Brême ! Méditez aussi sur le fait que ce
même pays veut que l’on consacre 650 millions aux capacités
opérationnelles liées à la Station spatiale Internationale. Et songez
surtout que cela ne durera pas indéfiniment ! Alors que l’Allemagne et
l’Italie ont finalement et durement accepté la hausse de 2,5% (proposée
par M. Dordain à Berlin) consacrée aux programmes obligatoires
c’est-à-dire scientifiques, et qui ne permettent même pas de soutenir
les projets en cours (tout juste capable d’enrayer l’inflation
naturelle prévue). La position de la France n’est pas plus envieuse.
Nous pouvons lire dans les récentes déclarations de M. Goulard que ce
dernier dit ne ‘’pas vouloir rester dans l’attente’’ du retour en vol
de la navette et ne veut désormais ‘’plus financer l’opération’’
! Si nous comprenons le fait de ne pas rester dans l’attente, nous
voyons ici clairement les ambitions de la France en matière de vols
habités se restreindre de façon drastique et systématique depuis
quelques années (depuis 1992 ?)... Alors que répondant au question
d’Air et Cosmos, l’actuel ministre de la Recherche (Air & Cosmos N°
2008, 2 décembre 2005, Page 27) répondait que ‘’la politique
française en matière de vols habités s’appuie sur les programmes de
l’ESA, aujourd’hui en grande partie liés à l’avenir de l’ISS’’. Le
CNES a abandonné ici encore ses ambitions en matière de vols habités.
Remarquons que ce n’est pas plus mal (au moins, l’honnêteté du propos
est à relever), puisque nous pensons que seul le niveau européen peut
désormais être un levier suffisamment efficace en matière de larges
programmes de R&D. Pourtant la position de la France en matière de
vols habités, symboliquement représentée par M. Goulard troquant la
politique des lanceurs à l’ISS, est une rupture qui marquera sombrement
les prochaines années. Il faudra pourtant chercher les impulsions dans
les pays membres et c’est ici que le bât blesse notamment pour la la
France. Pis, et dans le même style, ni la France, ni l’Allemagne ne
semblaient vouloir apporter de soutien concret ce lundi 5 décembre au
projet d’avion spatial Clipper. Finalement, l’avion spatial Clipper
proposé (à hauteur de 50 malheureux millions d’euros pour 3 ans) ne
ramassera que 4 voix en sa faveur et est repoussé pour une éventuelle
décision en 2008. Autant dire, que le projet est mort …Et ce malgré les
quelques déclarations post-traumatiques de cette dernière semaine.
Puisque l’intérêt du projet tenait dans sa rapidité d’exécution afin de
combler le gap technique entre 2010 et 2015. Si nous comprenons le
soutien industriel légitime de l’Europe spatiale à l’ISS (que nous
avons déjà justifié dans ces colonnes), nous pensons qu’il est
désormais temps de faire des choix et de se fixer des priorités quant
aux les vols habités : et ce au delà du simple docking d’un module. Le
mardi 6 décembre, le consensus était acquis pour l’ISS (et les lanceurs
d’un autre coté) et son enveloppe de 650 millions d’euros de frais
jusqu’en 2008 en échange d’un troc évident entre la résolution ‘’Buy European’’ et le maintien de la ligne budgétaire de l’ISS. L’exploration
spatiale de l’ESA ne peut se résumer qu’à un programme robotique (Mars
Lander) et à une hypothétique coopération avec les Russes (les Japonais
sont aussi désormais évoqués !) sur Clipper. Les bonnes nouvelles sont
pourtant les suivantes : le FLPP devrait bénéficier d’une hausse de
budget (mais insuffisante à notre goût) à hauteur de 0,3 milliard
d’Euros et la résolution d’acheter européen fut acquis par le Conseil
de Berlin. Ce dernier que Daniel Sacotte qualifie ‘’de transition’’ … Transition, mais vers quoi ?
Une Union trop frileuse ?
À
propos des relations entre l’Union européenne et l’ESA, nous soutenons
toujours autant un partenariat plus fort entre les deux institutions.
Cependant, il faut noter que la focalisation sur GMES et Galileo faite
par l’UE est trop réductrice dans sa portée effective. Si ces deux
programmes doivent être montés sans aucun doute, le manque d’amplitude
et d’engagement plus stratégique de l’UE concernant sa propre politique
spatiale pourrait faire perdre toute efficacité politique. En effet,
alors que Galileo et son opérabilité semblent repousser de plus en plus
vers 2011 et que GMES peine à s’imposer aux vues des ‘’dangereuses’’
perspectives financières de l’UE entre 2007 et 2013, il convient, là
aussi, de faire des choix politiques. Notons de façon positive, mais
hors programme (puisque financé par le 6ème PCRD), le programme SURE
qui permet aux PME des nouveaux Etats membres d’accéder à la recherche
scientifique et industrielle sur la Station Spatiale industrielle.
Des principes évoqués à l’efficacité réelle : the European gap …
Concernant la résolution ‘’Buy european’’
proposée par l’ESA, nous ne pouvons qu’être d’accord et aller dans le
sens de cette proposition qui pousse le principe de solidarité
européenne à son paroxysme (sous l’influence des industriels européens
qui se plaignaient des risques de baisse des marchés institutionnels).
Si le principe d’acheter européen est intéressant, il est néanmoins
illusoire de vouloir l’imposer sans une vision politique sous-tendue
qui fixe des buts précis. Occasionnant un deal improbable entre les
Français, Allemands et Italiens entre la Résolution ‘’d’acheter européen’’
et le maintien de la ligne budgétaire dédiée à l’ISS à 650 millions
d’Euros, le marchandage peut paraître douteux du simple point de vue.
Programmatique. Finalement, nous partageons l’avis d’acheter européen
mais pour aller où ? Pour faire quoi ? Néanmoins, et dans ce cadre,
l’implantation du Soyouz à Kourou nous semble toujours aussi
paradoxale, surtout avec l’affirmation de l’indépendance de l’Europe
spatiale affichée ces derniers jours par nos responsables spatiaux
européens, et ce même dans la perspective où ce lanceur soit opéré,
directement ou pas, par Arianespace ! La NSS France se place dans une
perspective strictement économique au sens productif du terme : la
création de potentiel d’activité doit primer. L’intégration de ce
lanceur ne nous semble toujours pas efficace pour les intérêts de
l’industrie spatiale européenne. Alors que l’on parle d’aller vers plus
d’autonomie et de soutenir sa propre technologie, nous préférons vous
rassurer : l’acquisition du Soyouz dans le cadre d’éventuels vols
habités à Kourou, ne nous garantira aucune autonomie, ne soutient en
aucun cas notre propre technologie (le Soyouz a presque 40 ans !) et ne
permettra aucunes nouvelles perspectives dans les vols habités. Le ‘’constructeur’’
du Soyouz restera en Russie, car ce pays entendra avoir de nouvelles
ambitions stratégiques dans les années à venir – Il suffit de voir la
hausse de 160 % du budget spatial qui passe ainsi à 200 millions
d’euros. Dans tous les cas, l’affirmation par Jean-Yves le Gall
d’Arianespace de maintenir des mystérieuses ‘’conditions d’exploitation équilibrée’’
entre Ariane 5, Vega et Soyouz débouche sur une solution commerciale
qui ne tient pas compte de l’efficience stratégique d’une telle
politique sur le long terme. Nous pensons qu’il y a là aussi une
contradiction majeure, tout comme il peut y en avoir avec la
coopération dans Clipper. Au vue de l’évolution du discours (prise
en compte positive du thème de l’autonomie spatiale européenne) au
cours de ce Conseil de Berlin, nous pensons qu’il est temps de nous
fixer des priorités hors du cadre traditionnel. Le bilan plutôt négatif
de ces 5 dernières années en Europe nous impose de réfléchir à de
nouvelles perspectives spatiales. Sans êtres révolutionnaires, nous
pensons qu’une démarche par étape (comme nous l’avions proposé avec nos
15 propositions sur 5 ans) est la meilleure stratégie à mettre en
œuvre. Il ne peut avoir d’autres solutions si l’on travaille dans le
cadre actuel. Nous pensons même qu’il n’y aura pas de solutions
brillantes ou étincelantes mais plutôt des étapes toutes plus efficaces
les unes des autres. Dans ce cadre là, il serait concevable de
réutiliser des concepts en vogue à l’heure actuelle comme le principe ‘’d’acheter européen’’ ou ‘’d’autonomie de l’Europe spatiale’’
: principes et concepts déjà défendu dans nos colonnes. La
problématique est donc bien politique : celle d’une vision claire et
suffisamment ambitieuse pour porter les défis de l’Europe.
Faire des choix.
Nous
pensons qu’il faut aussi s’affranchir de toutes références
programmatiques ou politiques avec les USA. Si ceux-ci doivent rester
des partenaires privilégiés (comme les Russes par ailleurs), ils ne
peuvent pas constituer un frein, voir un blocage net, comme c’est le
cas actuellement. Nous ne pouvons copier ou suivre les Américains
et la NASA indéfiniment. Les dommages en matière de politique spatiale
européenne de ces 30 dernières années peuvent sembler en partie
imputables à la NASA (aléas du Congrès US vis-à-vis de l’ISS dans les
80s/90s et maintenant le Return to Flight) mais en réalité, il faut
plutôt trouver les coupables dans notre camp qui n’ont pas su proposer
des politiques programmatiques clés suffisamment fortes et implantées
pour pouvoir faire infléchir le destin des vols habités. Désormais, il
est temps d’être capable de proposer des priorités suffisamment
judicieuses et ambitieuses, s’y tenir les financer, et mettre d’accord
l’Europe sur un programme commun, quitte à revoir les fondements de
l’Europe spatiale. De plus, si l’implication de l’Union Européenne
(grâce au 6ème et 7ème PCRD) est louable, il faut dépasser la logique ‘’citizens user driven’’
pour ajouter des compétences à ce programme de R&D, au même titre
qu’ ITER ou tout autre programme technologique. Cet ajout de compétence
pourrait par exemple prendre en charge, partiellement ou pas, le FLPP
ou toutes autres structures spatiales fondamentales à l’accès autonome
à l’orbite. Remarquons, et félicitons une initiative de l’Union
Européenne : Le programme SURE financé par la Commission Européenne
dans le cadre du 6ème PCRD et lancé la mi-novembre permet aux petites
et moyennes entreprises des nouveaux Etats-membres d’utiliser la
station spatiale internationale à des fins de recherches et
industriels. Ici, la fabrication d’un tissu industriel efficace dans le
cadre de la construction européenne, est mise en valeur l‘utilité des
vols habités. C’est par cette voie innovante que se construira l’Europe
spatiale et l’implication politique de la Commission dans une stratégie
spatiale plus globale : nous nous en félicitons. Mais l’urgence de la
situation actuelle impose des innovations, et défendant une politique
spatiale habitée européenne plus ambitieuse, nous ne pouvons que
proposer de nouvelles priorités et de nouvelles étapes. La sauvegarde
des avantages acquis ne peut faire une politique. Assurer 95% des
propositions de l’exécutif de l’ESA ne peut être une politique en soi,
puisque le seul programme quelque peu en dehors de la norme, Clipper,
n’a suscité que 4 bras levés lors du vote … La période de transition
doit se terminer dans tous les cas en 2008 et le retard accumulé,
alors, devra être contrecarré rapidement. Le choix minimum de
soutenir les lanceurs dit européens est une solution facile qui mérite
pourtant que l’on se réjouisse de la compréhension de certains
principes comme l’autonomie stratégique à acquérir ou que l’on félicite
le fait de financer à hauteur de 650 millions d’euros les programmes
liés à l’ISS jusqu’en 2008. Des choix supplémentaires, réalistes et
plus ambitieux sont réalisables et permettraient de sauver la situation
d’ici là. Faisons les efficacement.
Nicolas Turcat Président de la NSS France
NSSFRANCE @ 15:08 |
Fin de l'ISS américaine ?
Je ne sais pas quoi penser de cette nouvelle qui vient de tomber ! Rire ou pleurer ? Quant je disais qu'il y avait une occasion à saisir pour les européens !!!!
vendredi 30 septembre 2005, 19h15 La NASA émet des doutes sur le maintien d'une présence américaine "continue" sur l'ISS
BAIKONUR, Kazakhstan (AP) - La NASA a émis des doutes vendredi sur la future participation des Etats-Unis aux vols spatiaux russes et sur le maintien d'une présence américaine "continue" sur la Station spatiale internationale (ISS).
L'administrateur de l'Agence spatiale américaine, Michael Griffin, en visite sur le cosmodrome de Baïkonour, au Kazakhstan, pense pouvoir parvenir à "un accord financier acceptable" avec Moscou, qui réclame une contribution financière aux Américains pour leur participation aux futurs vols russes.
Mais, a-t-il prévenu, en raison d'une loi américaine qui pénalise les pays vendant des armes à l'Iran, la "présence américaine continue sur l'ISS" pourrait prendre fin.
Or, la Russie est en train de construire une centrale nucléaire d'une valeur de 800 millions de dollars (667 millions d'euros) en Iran malgré les objections des Etats-Unis qui estiment que ce projet pourrait aider Téhéran à acquérir l'arme nucléaire.
Samedi, un astronaute américain doit s'envoler du cosmodrome de Baïkonour à bord d'une fusée Soyouz, en compagnie d'un cosmonaute russe ainsi que d'une homme d'affaires qui a payé pour ce voyage. Ensuite, le prochain vol Soyouz est prévu en avril 2006. AP
NSSFRANCE @ 21:06 |
Les réactions politiques washingtoniennes suite à l’annonce de l’ESAS de la NASA.
Attention ce papier n’est pas un article en soit puisqu’il contient de larges traductions et reprises du weblog ‘’space politics’’ de Jeff Foust ainsi que des news de Yahoo.fr puis analysées brièvement par la NSS France.
Réactions mitigées :
Alors que la NASA a révélé son ESAS (Exploration Systems Architecture Study), les membres du Congrès américain commencent à prendre conscience du projet et en pèsent les conséquences Si des représentants républicains comme Sherwood Boehlert et Ken Calvert (Respectivement New York et Californie) soutiennent traditionnellement la NASA, des républicains et démocrates sont plus critiques quant au retour sur la Lune pour 2018. Notons que le représentant Calvert, président du sous-comité sur l’Espace du comité des Sciences de la Chambre des représentants a indiqué dans la même veine à la revue Aerospace Daily que ‘’l’alunissage pour 2018 était trop lointain !’’ puisqu’il croit que les chinois pourraient faire une mission habitée sur la lune bien avant cette date ! A la veille d’un nouveau lancement chinois (prévu pour le 13 octobre) : Manœuvre politique ou réelles informations ? Le discrédit de ce genre de propos lorsque l’on examine les lancements des Shenzous (2 ans entre 2 missions : Shenzou 5 et 6 !) est évident. D’autant plus que la ‘’faiblarde’’ manœuvre politique avait déjà été tentée il y a quelques années par Robert Walker (du Congrès) lorsqu’il fut informé par un parlementaire japonais, ou européen selon les versions, que les chinois feraient ‘‘alunir des hommes sur les lune d’ici 3 à 4 ans’’ … La course entre la chine et les USA ne semble pas faire recette et est immédiatement discréditée politiquement par les faits. Dans ce même article les représentants républicains Calvert et Dana Rohrabacher de Californie soutiennent en gros le programme d’exploration de la NASA même si Rohrabacher parle de ‘’priorités’’ à définir dans le plan pour que la NASA puisse financer correctement ce plan. Dana Rohrabacher était président du sous-comité sur l’Espace (1997-2005) et souhaite désormais obtenir la chaire du comité des Sciences de la Chambre des représentants. Dana Rohrabacher est un véritable animal politique républicain, au même titre que Tom DeLay. Il fut ancien assistant spécial de Ronald Reagan dans les années 80 (il était aussi rédacteur de ses discours), et donna un nouveau sens politique au sous-comité du congrès sur l’Espace à la fin des années 90. Beaucoup d’historiens le décrivent comme l’un des inspirateurs de la doctrine économique de Reagan, dans la pure tradition républicaine, il aida, ainsi à formuler la déclaration des droits économiques (Economic Bill of Rights) du Président Reagan lors de son fameux discours devant le monument de Jefferson. Néanmoins, son implication dans le domaine spatial fut souvent perçue comme ambiguë notamment à propos de l’ISS ou de la navette à la fin des années 90. Il vient de se joindre à l'opération Offset qui tend à supprimer le plan spatial présenté par la NASA...
Le quotidien Florida Today rapporte ainsi les propos de représentants dits ‘’libéraux’’ (+ social en réalité ) comme le démocrate Barney Frank (Massachusetts) qui parle du plan spatial de l’agence américaine comme ‘’une terrible et mauvaise attribution de ressources déjà maigres’’ ou le républicain de Floride Jeff Miller qui pense que la NASA ‘’ne devrait pas à être à l’abri des coupes budgétaires courantes’’.
Dans une position intermédiaire le sénateur Kay Bailey Hutchison, qui est pourtant un avide supporter de la navette dit prudemment qu’il ‘’sera fait le maximum pour garder la navette et le CEV dans la course’’. Une déclaration que le Washington Post juge comme énigmatique (édition du 20 septembre 2005).
Tom DeLay - Hors jeu :
Alors que l’on apprend que le représentant en chef républicain Tom DeLay (Texas), soutien traditionnel de la NASA, vient de perdre son siège de leader de la majorité républicaine au Congrès au profit de Roy Blunt (Missouri), la situation politique des Républicains devient très grave. Suite à une inculpation mercredi 28 septembre 2005 de financements politiques pour des faits présumés de collecte de fonds illégale et d'utilisation frauduleuse de donations d'entreprises imputées à une organisation qu'il a créée, ‘’les Texans pour une majorité républicaine’’ (TRMPAC). Tom DeLay a démissionné de son poste de chef de la majorité mais garde son siège de représentant. A l’heure où nous déclarions que la NASA devait être soutenue à pleine force par les forces parlementaires américaines en faveur du plan spatial, l’agence spatiale US perd son plus grand et éminent soutien à un moment crucial de l’implantation du programme auprès des membres du Congrès. Mais plus profondément, c’est aussi le problème des républicains face aux élections législatives du mid-term de novembre 2006 qui va poser des difficultés à la survie du programme de la NASA. Sans vouloir dramatiser, la situation est des plus préoccupantes pour les républicains du Congrès. La réputation de Tom DeLay qui faisait passer toutes les directives présidentielles auprès de ses collègues (il était surnommé ‘’le marteau’’) et qui était le plus fervent atout politique intérieur du Président Bush à la chambre des représentants semble ternie irrémédiablement jusqu’aux prochaines élections de 2006. Le crédit politique au Congrès de George W. Bush semble ainsi amoindri de façon considérable pour ce qui concerne la politique intérieure. Le parti républicain semble, lui, divisé sur le sujet et la cohésion du groupe risque d’exploser politiquement avec le retrait du principal attaquant du camp du Président. On peut noter que Tom DeLay avait déjà reçu un certain nombre de blâmes pour manquements à l’éthique parlementaire. L’enquête ouverte au Texas par le procureur Ronnis Earle du comté de Travis a poussé Tom DeLay, selon les lois de son propre parti, à démissionner de son poste de chef de la majorité. D’après l’accusation 190.000$ versés par des entreprises auraient été recyclés par l’intermédiaire d’une organisation créée par DeLay, ‘’les Texans pour une majorité parlementaire’’ (TRMPAC) et versés au Comité national républicain pour financer les campagnes des candidats républicains. Il faut noter que la législation texane proscrit le financement de la vie politique par des entreprises. Membre du parti républicain depuis le début des années 80. Dès 1984, il quittait le Texas pour représenter son état natal à Washington DC. Il devient essentiel au rouage de la machine politique républicaine en intégrant l’Etat major de ce parti en 1988 sous la houlette de Dick Cheney. En 1994, il était l’instigateur de la ‘’Révolution Républicaine’’ lors du raz de marée législatif de la même année. Il resta pourtant toujours attaché à s’imprégner de la vie politique locale en participant indirectement aux campagnes républicaines locales. Il soutient ainsi en 2002 l’avènement d’une majorité républicaine au parlement du Texas, ce qui lui vaut indirectement les problèmes aujourd’hui rencontrés. Si pour les démocrates (comme la chef du camp démocrate à la chambre des représentants Nacy Pelosi), cette affaire est du ‘’pain béni’’ politique, les républicains vont devoir tenir le front jusqu’en novembre 2006. Le procureur Earle a la réputation d’avoir déjà attaqué de nombreux politique en exercice, ce qui fait dire à Tom DeLay que cette accusation est ‘’partisane’’ et ‘’manipulée par les démocrates’’ puisque Ronnis Earle se définissait comme un procureur d’obédience démocrate. Ce procureur a déjà poursuivi en justice 11 représentants démocrates et 5 républicains ou des sommités comme le sénateur Kay Hutchison. Cette affaire affaiblit au premier plan le Président mais aussi menace la cohésion politique du camp républicain. Lors de sa dernière conférence de presse, réfutant les accusations du procureur Earle comme étant une ‘’machination démocrate’’, il dressa aussi une impressionnante liste de projets que le parti républicain entendait mener et qui risque de rester lettre morte si celui-ci perd de sa puissance d’action au sein d’un pays qui pense à 70% que les autorités auraient pu mieux gérer les effets de l’ouragan Katrina. Parmi ses projets se trouvait la fameuse réforme fiscale, la réforme de la politique d’immigration ou la délicate réforme des retraites. Tous ces projets, ainsi que le programme d’exploration de la NASA risquent leur survie au Congrès dans les prochains mois alors que l’environnement politique tourne à l’avantage des représentants démocrates avec l’affaire de la gestion de l’ouragan Katrina (accusations à l’encontre de la FEMA, du DHS). Il va falloir une dose certaine de cohésion et d’ambition politique pour redresser la situation chancelante du parti républicain alors que plus de 60% des Américains pensent que le Congrès est un lieu de corruption… une sérieuse reprise en main politique attend le programme spatial américain.
L’Opération Offset, compromise ?
L’opération Offset (compensation) est un autre exemple de ce manque de cohésion au sein du parti républicain. Le Republican Study Committee (RSC) avait annoncé une série de mesures possibles à prendre pour résoudre le problème du financement de la reconstruction suite à Katrina. Dans son rapport proposé la semaine du 12 septembre 2005 le RSC propose un plan de coupes budgétaires. Nous en avons déjà parlé la semaine dernière mais nous pensons qu’il faut jeter un œil plus précis sur le RSC et sur les réactions qu’il peut engendrer. Les problèmes du parti républicains au Congrès nous font penser que toutes réactions politiques à l’encontre du programme de la NASA est à anticiper. Le RSC proposait ainsi de couper purement et simplement le programme ‘’Moon/Mars initiative’’. Ce programme n’est qu’une petite partie des coupes proposées. On peut noter néanmoins qu’à la différence d’autres nombreux programmes, la suppression du projet de la NASA est très peu justifiée si ce n’est d’un point de vue financier. Le RSC est un regroupement indépendant d’une centaine de parlementaires républicains à Washington DC. Il est présidé par le représentant Mike Pence de l’Indiana et se définit comme un regroupement chargé de ‘’faire avancer des aspects conservateurs en matière de social et d’économie’’. Il se définit aussi comme chargé de ‘’limiter le rôle constitutionnel de l’Etat fédéral américain, de promouvoir une défense nationale forte, de protéger les droits individuels et de propriété du citoyen américain, ou de préserver les valeurs fondamentales de la familles’’ … dans la pure tradition républicaine... En faveur de la NASA, la cohésion au sein même du RSC ne semble pas plus assurée puisque déjà des membres de ce regroupement comme Ted Poe (Texas) s’oppose fermement à certaines mesures et plus particulièrement à celle concernant la NASA. Notons que ce représentant est élu par la ville de Houston, haut lieu de l’espace au Texas, il parle aussi de la NASA comme un programme qui aura de grands bénéfices pour sa communauté. Remarquons enfin que Dana Rohrabacher s'est joint à l'opération Offset dans le cadre du programme conservateur républicain: ce qui est une mauvaise nouvelle pour la NASA. Le jeu politique prend donc toute sa consistance ici encore. Notons enfin que les troubles rencontrés par les républicains au Congrès ces derniers jours risquent de paralyser l’action du RSC pour quelques semaines.
La NASA va devoir se battre politiquement pour voir son projet soutenu par les Congressistes ces prochains mois, d’autant plus que l’agence américaine va devoir affronter la perte de son soutien politique efficace principal avec la démission de Tom DeLay, le manque de cohésion et les soubresauts politiques du parti républicain au pouvoir, et les élections de novembre 2006 risquent de voir ‘’fleurir’’ des propositions plus ou moins démagogiques de la part des représentants républicains qui peuvent aller à l’inverse des intérêts de l’agence spatiale américaine. Dans tous les cas, politiquement, la manœuvre sera beaucoup plus dure à faire ces prochains mois.
Nicolas Turcat Président de la NSS France.
 Dana
Rohrabacher, représentant républicain de Californie
depuis 1988, ici photographié en mai 2005 alors qu'il présidait
encore le puissant ''Space and Aeronautics Subcommittee of the House Science
Committee'' (de 1997 à 2005).
NSSFRANCE @ 21:04 |
De STS à l’ISS … L’Europe démunie ?

Ecorché du Colombus module de l'ESA (Crédits ESA)
Alors que nous apprenions que le prochain vol de la navette spatiale américaine (STS) ne se déroulerait pas avant la fin 2006, ‘’l’assemblage de l’ISS ne pourra reprendre avant 2007’’ : dramatique nouvelle délivrée ce vendredi 16 septembre dans Air et Cosmos N°1997. STS-121 ne devant pas décoller avant fin 2006 en raison du programme Return To Flight (RTF) à revoir, le module Colombus de l’ESA ne décollera peut-être pas avant 2008 … A l’heure actuelle, les discussions ‘’behind the scenes’’’ vont aussi bon train entre l’ESA, la NASA et Roscosmos pour les plans de construction de l’ISS.
Au delà de la gestion calamiteuse du retour en vol du STS américain, le problème de lancement de Colombus est finalement bien de notre ressort. La dépendance européenne pour les vols habités envers les Russes ou les Américains est aujourd’hui, plus que jamais, flagrante. On ne peut que s’en prendre à nous même. Alors que l’APM/MTFF/PPF puis COF Colombus avaient été prévus pour faire partie du trio MTFF/Hermès/Ariane 5 (Cf. l’ESA / LTP de 85 ou 88 ou Europe’s Space Programme de Brian Harvey), symbole de l’autonomie des vols habités européens il fut choisi d’en remettre la responsabilité de lancement aux Américains. Nous nous retrouvons dans la position impossible de négocier notre présence à bord de l’ISS. Il semble pourtant acquis que les Etats-Unis assumeront le lancement du JEM japonais et de Colombus européen. En effet, depuis quelques temps se trouve sur le web le scénario à 16 vols de la NASA en discussion avec l’OMB. Alors que 28 étaient prévus, 16 vols ne seraient plus effectués pour compléter la Station. De très nombreux éléments seraient supprimés dont le module pressurisé du JEM japonais, la centrifugeuse CAM, l’expérience AMS pour l’antimatière, le Science Power Module (SPP) ou une poutre NEP russe. C’est donc bien une Station au rabais que nous promettent les Américains où la science semble sacrifiée au gré des aléas techniques de la NASA. Cependant, il ne tenait qu’aux Européens de se doter d’un moyen de lancement autonome pour leur propre module ou les autres, en cas de coopération avec d’autres nations. Finalement, on peut se demander si les partenaires de l’ISS ont bien compris les leçons autour de ce projet international. Alors que la coopération innovante était louée, que l’esprit ‘’d’amitié des peuples’’ était vanté au sein de l’ISS, ou que l’idée supérieure de bâtir le plus grand projet de l’Humanité en orbite basse était promue ici bas, la Station tombe rapidement aux oubliettes lorsqu’il s’agit de finir ce qui a été commencé. Même s’il est évident que le projet lunaire et martien devaient être mieux mis en avant afin de justifier l’ISS, les propos de Patrick Baudry à son propos (‘’l’ISS est un non-évènement’’ – LCI / 21 septembre 2005) sont excessifs. Nous ne ferons pas l’historique, ni même un rappel des raisons qui poussèrent les Américains, Russes, Japonais ou Européens à investir dans l’ISS, mais il faut rappeler deux ou trois faits à propos de cette Station. Soit, l’ISS ne fait plus rêver (quoi-que, j’en rêve encore…), mais le puits gravitationnel dans lequel nous sommes engoncés sur Terre est un vrai problème si l’on veut s’établir dans l’Espace : l’ISS pouvait servir d’étape (un peu à l’image d’un port) pour aller plus loin. Pour cela encore fallait-il entendre la conquête spatiale dans une perspective méthodique et raisonnée. Souvenons nous aussi que la Station Freedom ou Alpha ont été travaillées à une période où la microgravité, les applications industrielles en orbite basse ou la préparation de vols plus lointains étaient au cœur d’une stratégie de développement des activités humaines en orbite basse. Le STS faisait d’ailleurs partie de cette architecture qui devait nous pousser plus loin. L’ISS et le STS n’étaient donc que des étapes. Le vrai problème intervient au moment où les hommes politiques, sous la pression budgétaires du début des années 90, transformèrent ses étapes en une fin en soit ! Or ni l’ISS, ni le STS, ni même le CEV ou le lanceur lourd désormais envisagé ne peuvent être autosuffisants pour leurs justifications ! L’évolution des projets cités ici leur est fatale. Evidemment que le port du Southampton ou de Cherbourg ne fait pas rêver mais lorsque le Titanic y vint en 1912, il enchantait alors les foules qui s’y pressaient. L’ISS (comme le STS) est donc bien une étape ou un moyen mais pas une fin. Nous ne reviendrons pas sur les raisons et nous vous renvoyons à la littérature citée plus bas mais l’ISS est nécessaire et le sera s’il est question un jour de s’établir sur la Lune ou d’aller sérieusement sur Mars. Alors, nous pouvons comprendre les nations réticentes à finir ce projet mais peut-être devait on finir en 28 ou 25 missions de STS et profiter au mieux du savoir faire acquis à bord de la Station ? Peut-être valait-il mieux aussi développer cette station au profit de nations spatiales émergentes afin de leur mettre le pied à l’étrier ? Enfin peut-être fallait-il mieux prendre en Europe une responsabilité plus grande au sein de la Station ? En effet alors que l’on parle sur notre continent d’espace utile, n’est-il pas meilleur exemple que la Station pour rendre cette politique spatiale concrète ? Mais plus qu’un simple plaidoyer pour l’ISS, ce papier entend mettre en exergue les paradoxes de la politique spatiale européenne qui en est réduite à négocier ses vols (cf. Thomas Reiter, quid ?) ou à négocier sa propre présence sur la Station ! Nous pensons que l’Europe s’est égarée avec les Américains dans un piège qui se referme sur nous en ce début d’automne. Alors que nous pensions que l’Europe spatiale avait tiré des leçons de Spacelab ou des négociations houleuses avec les USA entre 1985 et 1992 à propos de la Station Spatiale, on s’aperçoit que notre position est plus fragile que jamais. Dans cette logique, nous demandons à ce que les autorités spatiales européennes en charge de l’ISS soient fermes et fassent leur possible pour maintenir cette structure orbitale intègre, qui est si vitale pour la pérennité des vols habités en Europe. Notons qu’il va falloir renégocier tous les accords avec les Américains dans le cas où l’ESAS devienne la nouvelle politique (au détriment de STS et de l’ISS) ou que l’ESAS s’arrête. Nous pensons enfin que l’étude d’un scénario européen sans Colombus est inadmissible et hors de propos. Nous tenons à être très ferme à ce sujet, nous pensons que renoncer à Colombus reviendrait à renoncer à toutes velléités spatiales pour les 20 prochaines années. Déjà que certains se sentent honteux d’avoir enterrer Hermès en Espagne en 1992, je n’aimerai pas voir la tête de ceux qui enterreront Colombus…après plus de 20 ans d’études !
Alors que la NASA a bénéficié de la clémence politique du Congrès pour remettre sur pied la flotte de STS avec plus d’un milliard de dollars de frais de réparation et d’amélioration, l’agence spatiale US n’a pas su gérer cet été le vol chaotique de STS 114. La faute pratique revient à la NASA qui depuis quelques temps ne sait pas quoi faire avec cette flotte de navette. Peut-être, là aussi, aurait –il fallu expliquer que le vol spatial intègre une dose de dangerosité inhérente à tous véhicules volant à plus de Mach 25 vers l’espace sidéral… Encore une fois faut-il insister sur l’excès médiatique fait autour de la sécurisation du véhicule, le STS a volé et est déjà revenu avec plus d’impacts que pendant le vol STS 114. Tous les astronautes que nous avons rencontrés sont conscients du danger et c’est notamment ce qui en fait de véritables pilotes d’essais. Alors si l’on peut comprendre que dans le cadre d’une amélioration des vols spatiaux vers l’orbite basse, le STS soit le plus ‘’safe’’ possible, il est incompréhensible de mettre cette pression sur la NASA dès qu’un malheureux bout de tuile tombe. La NASA n’a pas su expliquer ce fait, ou même les raisons qui la poussent à renouveler les missions vers la Lune. La communication institutionnelle au sein de l’administration républicaine semble connaître quelques ratés. La situation américaine n’est pas non plus enviable d’autant plus qu’elle n’est pas certaine mais il faudra faire avec si l’on veut composer une coopération constructive.
Ainsi, à la NSS France, nous pensons que des engagements doivent être pris pour Colombus et le maintien de la complétude de l’ISS lors du prochain Conseil ministériel de l’ESA. Nous pensons aussi qu’il serait bon de profiter un peu de la situation pour se faire une place plus large au sein de cette Station Spatiale afin d’occuper une place critique dans le déroulement d’un scénario d’exploration. Nous pourrions envisager d’élargir notre capacité au sein de l’ISS et de détenir les clés de différentes technologies. Nous pourrions aussi, avec ou sans les Russes, nous faire une place de choix dans l’architecture qui nous mènera à l’exploration. Nous pourrions entrevoir par exemple de développer des éléments modulaires scientifiques, technologiques ou même de R&D dans l’espace, supplémentaires pour l’ISS. Ces éléments viendraient en complément de l’architecture existante et pourraient être lancés en coopération sur des lanceurs russes. L’utilisation critique est finalement la clé de l’exploration future. Si les Américains posent le pied sur la Lune en 2018, et s’ils veulent vraiment s’y installer ou aller vers Mars, il leur faudra passer, tôt ou tard, par une infrastructure orbitale complète qui pourrait alors avoir été ‘’trustée’’ par les Russes, les Européens ou même les Chinois. Dans le cas rare où ils décideraient de faire l’impasse sur une station en LEO, le ‘’Test bed’’ technologique (ou ‘’l’Université de l’Espace en orbite’’) que représente l’ISS serait un atout majeur en notre faveur pour des projets encore plus lointains. Ceci n’est qu’une piste de travail mais qui peut servir la cause européenne et redistribuer la donne dans quasiment tous les scénarios de développements spatiaux américains. Nous avons payé le prix fort notre faiblesse politique de croire que nous ne pouvions pas investir dans les vols habités : nous risquons aujourd’hui de presque tout perdre par notre faute. Ainsi si l’on peut reprocher à la NASA sa mauvaise gestion de l’annonce de l’ESAS du déroulement du vol STS 114, si l’on peut reprocher à la NASA d’avoir pêché par orgueil, il ne faut s’en prendre qu’à nous même. Nous devons trouver des solutions et cela rapidement. Alors que le DG de l’ESA étudie ce fameux mais scandaleux scénario sans Colombus (cf. Space News – Europeans weigh Space Station Options par Peter de Selding), nous devons trouver une solution autre que tout supprimer. Nous avons assez fait le dos rond. Nous nous sommes assez reçu de gifles. Nous nous sommes suffisamment laisser aller pour ne pas prendre conscience de l’état réel. Il suffit de comparer les plans d’hier pour voir que rien ou presque n’est prévu pour demain. Il va falloir prendre une décision en faveur de notre industrie spatiale, en faveur de notre communauté scientifique et politiser notre propos pour qu’il devienne enfin crédible. Finalement, il s’agit de savoir si l’on veut continuer ou pas les vols habités ! Nous avons ici assez justifié notre position en faveur d’une politique spatiale européenne habitée plus ambitieuse. En temps de crises, s’ouvrent des opportunités comme jamais, il est temps d’en exploiter les failles : c’est le moment ou jamais, où l’Europe a une carte stratégique à jouer avec l’ISS : PROFITONS EN !
Nicolas Turcat Président de la NSS France.
Ressources bibliographiques indispensables pour comprendre le sujet :
ALEXANDER Kent, The Space stations, New York, Gallery Books, 1988. BOND Peter, The continuing story of the International space station, London, Springer Praxis, 2002. HARLAND David, The story of the space shuttle, Chichester, Springer Praxis, 2004. HARLAND David & CATCHPOLE John, Creating the ISS, London, Springer Praxis, 2002. HARVEY Brian, Europe’s Space Programme, To Ariane & Beyond, London, Praxis Springer, 2003. HEPPENHEIMER T.A, History of the Space Transportation System, Washington DC, Smithsonian Institute Press, 2002. -Volume 1, The Space shuttle decision, 1965 to 1972. -Volume 2, Development of the space shuttle, 1972 to 1981. LAUNIUS R., NASA, A History of the US Civil Space program, Malabar, Krieger Publ. Co., 1994. LAUNIUS R & McCURDY Howard, Spaceflight and the myth of presidential leadership, Chicago, Press of University of Illinois, 1997. McCURDY Howard, The Space station decision – incremental politics and technological choice, Baltimore, John Hopkins University Press, 1990. MESSERSCHMID Ernst & BERTRAND Reinhold, Space stations, systems and utilizations, London, Praxis Springer, 2001. SIMPSON Theodore R. (dir.), The Space Station, an idea whose time has come, New York City, IEEE Press, 1984.
NSSFRANCE @ 17:55 |
Klipper : le danger de la facilité ou aller plus loin ?
 Les deux principales formes de klipper - En haut la version ailée de 2005, en bas la version corps portant de 2004. (crédits ici)
Alors
que le salon du Bourget avait été délaissé de façon inadmissible par
l’agence spatiale européenne, cette dernière a, semble t-il, préféré
aller en Russie cet été se présenter dans ce prometteur pays avec un
très grand stand au salon de Moscou. Si le fait de préférer le public
russe à l’européen n’a rien de choquant, le problème vient que l’Europe
spatiale industrielle risque de se sentir délaissée à terme, et elle
aurait raison… ! Enfin, faut-il faire attention au jeu qui est de mise
dans ce ménage à trois !
Nous avons toujours soutenu le
rapprochement russo-européen dans le domaine avancé des techniques des
vols habités. Pourtant il ne doit pas se faire à n’importe quel prix,
mais doit être judicieux et avantageux pour tous les partenaires.
Quant
à Klipper, nous avons désormais de sérieux doutes concernant la
participation effective de l’industrie spatiale européenne et les
retombées directes, ou indirectes, qu’elle pourrait y gagner. Les
déclarations de M. Frabrizzi (directeur des lanceurs à l’ESA) dans
l’Air et Cosmos N°1994 du 26 août 2005 ne sont pas très encourageantes
pour la détermination de l’Europe à conduire le projet. Il faudra
éviter dans tous les cas que l’Europe se contente d’être un vaste
chéquier ou un simple sous-systémier informatique ou électronique.
L’Europe vaut beaucoup plus ! Le problème avec le projet Klipper est
finalement assez simple : qu’y gagne-t’on ? ‘’Les vols habités coûtent chers’’
et nous le savons mais ce n’est pas perdre un peu de notre autonomie
technologique et industrielle de s’associer aveuglement à un projet
comme celui-ci ? Nous pourrions nous demander, dans le cas où Klipper
serait lancé de Guyane, comment l’industrie spatiale européenne pourra
encore proposer des programmes de vols habités ou comment l’ESA pourra
de façon autonome se développer dans l’espace. Nous l’avons toujours
dit et nous tenons à le répéter ici : la conquête spatiale est
aussi un enjeu économique pour demain et les activités induites par un
développement au-delà de l’orbite basse seront fondamentales à notre
propre économie. Alors que l’on parle de l’Europe de la
compétitivité et de relance de la Recherche aux profits de nos
industriels et chercheurs, est-ce vraiment une si bonne idée de
s’associer sur un projet aussi fondamental ? Or il existe des blocs
économiques préexistants qu’il faut savoir préférer à d’autres enjeux.
Dans notre cas : c’est l’Europe à 25 qu’il s’agit de faire prévaloir.
C’est définitivement un choix politique. Le vrai risque est que Klipper
se fasse et qu’EADS ou tout autre industriel européen n’en tirent aucun
bénéfice ; et puisque le marché institutionnel semble aller vers un
renforcement de son activité, il est d’autant plus judicieux de
protéger nos intérêts industriels spatiaux avant quelques autres
considérations. La Russie ou l’Ukraine ne sont toujours pas membres de
l’ESA, donc les raisons d’une coopération avec la FKA ne peuvent à
l’heure actuelle se justifier que sur des technologies précises mais
non critiques à l’intégrité du projet. Dans le cas d’une coopération
poussée avec les Russes sur Klipper, il faudrait revoir nos modes de
coopération avec cette entité politique unique pour en tirer des leçons
économiques et stratégiques. . Il faut aussi tenir compte de la
dimension stratégique. Jusqu’à quel point les Russes veulent-ils que
nous coopérions ? La Russie de Vladimir Poutine ne semble pas prête à
rentrer dans l’Europe communautaire et pour l’ESA, cela risque tout au
plus d’être un accord à la canadienne qui se profile à moyen terme. La
présence de M. Poutine au pouvoir nous confirme cette importance
stratégique russe pour les années à venir. La Russie, qu’on le veuille
ou non, est un bloc à lui tout seul qui peut faire des alliances de
circonstances mais qui fera toujours prévaloir ses propres intérêts. La
CEI est une zone économique dynamique qui se développera dans les
prochaines années et elle aurait tort de se priver de tous les
bénéfices y compris spatiaux. Enfin notons que la dimension ‘’prestige’’ ou ‘’grandeur’’,
quelque soit le nom, est aussi une grande part de motivation dans
l’engagement de vastes programmes spatiaux. La situation spatiale en
2005-2006 sera aussi au profit de la CEI de ses Soyouz ou de ses
Progress. La Chine, les USA, la Russie, ou même le Brésil ou l’Inde ont
compris cette spécificité aux techniques spatiales. Il va falloir en
Europe réfléchir sur le sujet au niveau politique : assumons nous ou
pas notre dimension de prestige quant à nos programmes européens ?
Allons-nous comprendre que ‘’vendre’’ du rêve à la Hermès, à
la Colombus, à la Planète Mars, à l’ATV ou à la Ariane (cette dernière
est un symbole de réussite méritée et porte parole à elle toute seule
de l’Europe spatiale alors qu’historiquement le programme s’est déroulé
sans l’Europe politique) est nécessaire dans un monde où les pôles
stratégiques vont désormais évolués plus vite et surtout plus
techniquement ? Il faut savoir exploiter politiquement toutes nos
ressources d’autant que cela servira nos intérêts économiques,
technologiques et scientifiques directs !
Pourtant il faudra
faire des choix. L’Europe spatiale ne peut pas aller butiner à droite,
à gauche des programmes qui lui semblent intéressants : il faut
désormais assumer sa propre dimension stratégique. Alors que certains
critiques politiques parlent de ‘’péché d’arrogance’’ pour les Etats-Unis, certains auteurs américains parlent de ‘’syndrome d’infériorité’’ pour l’Europe politique comme étant la maladie propre de la CE (cf. Jeremy Rifkin, Le rêve européen).
La tendance que l’on a sur notre continent à se dévaloriser est
affolante. Il en est de même pour l’Europe spatiale. Cette dernière a
bien changé en 20 ans mais les constantes restent les mêmes :
s’émanciper vers l’autonomie spatiale et la compétitivité mondiale :
ces deux facettes, s’alliant, peuvent nous mener au-delà de l’orbite
basse. Le projet Klipper doit être mûri et pensé dans cette
perspective, si tel n’est pas le cas, le risque d’une opération ‘’à la Spacelab’’, ou ‘’à l’Hermès’’ risque de se dérouler à nouveau. Il faut savoir identifier avec clairvoyance et COHERENCE nos intérêts et les faire prévaloir avec vigueur.
Nicolas Turcat Président de la NSS France.
NSSFRANCE @ 17:49 |
Christophe Bonnal (Direction lanceurs CNES) répond aux questions de la NSS France.
La NSS France a demandé à Christophe Bonnal, responsable des
projets futurs à la Direction des Lanceurs du CNES et Président de la
Commission Transport Spatial de l'AAAF de répondre à quelques
questions. Malgré la différence de point de vue sur la politique
spatiale habitée en Europe, son opinion personnelle sur quelques grands
sujets est très intéressante dans la mesure où son expertise et ses
compétences sont reconnues et feront avancer le débat sans aucun doute :
 Christophe Bonnal du CNES (crédits CNES)
Comment voyez-vous l'avenir des vols habités en Europe ? Le
vol habité en Europe ne doit pas être une finalité en soi mais
l'optimisation de l'utilisation d'un moyen général (l'ISS) auquel nous
avons beaucoup contribué. La priorité est donc l'utilisation de l'homme
dans l'Espace, certainement pas la recherche d'un accès autonome
européen, cet accès étant déjà fort bien couvert aujourd'hui via les
accords internationaux avec les Russes et les Américains (cf. le vol de
Thomas Reiter par exemple).
Quels sont selon vous les enjeux derrière une politique spatiale européenne et plus largement derrière les vols habités ? La
priorité européenne est l'utilisation de l'espace, et non l'espace
comme moyen politique. C'est la différence majeure avec les visions
chinoises par exemple ou américaines dans lesquelles l'homme dans
l'espace sert de "vitrine" technologique. La politique européenne en
matière de vols habités doit en conséquence être exclusivement dictée
par l'utilisation de l'espace.
Quelles évolutions envisager pour Ariane V dans le cadre des vols habités européens indépendants ? Dans
le même cadre d'étude des modifications potentielles, nous étudions au
CNES les évolutions qu'il faudrait faire sur Ariane 5 pour l'adapter au
vol habité. Ces modifications sont relativement peu nombreuses, car il
faut se souvenir que ce lanceur était dès sa conception capable de vol
habité. Ces analyses, en conséquence, relèvent plus de détails du genre
fiabilisation des commandes de vannes électriques, Health Monitoring,
etc... Naturellement, la question du véhicule lui-même (type CEV,
Hermès, X38, etc...) est complètement indépendante, y compris le
système d'extraction et d'éloignement en cas d'anomalie. Les
modifications de la base de lancement seraient également importantes,
bien sûr, mais sans criticité aucune.
Si non à la question précédente, pourquoi et quelles solutions sont disponibles ? Une
fois de plus, nous n'avons pas en Europe de vocation au vol habité
autonome, ce n'est pas dans nos priorités. Toutefois, si l'on devait
évoluer sur ce sujet pour une raison ou l'autre, on pourrait considérer
une variante habitée du Soyouz lancé de Guyane. Il y a eu pas mal de
publications à ce sujet, notamment ESA et EADS-ST lors du dernier IAC
(IAF). Néanmoins, ne confondons pas, encore une fois, les solutions et
les orientations.
Comment envisagez vous l'avenir de l'exploration spatiale par les êtres humains ? Avis
strictement personnel sur une question très générale et complexe. Je
suis convaincu que nous avons besoin de grands projets, chantiers
internationaux à vocation utile pour l'humanité, fédérateurs à travers
des coopérations internationales ambitieuses, techniquement complexes
de façon à restaurer un intérêt pour les jeunes générations, etc... Les
idées de ce genre ne manquent pas en général dans tous les domaines :
fertilisation du Sahara, recherches énergétiques liées au développement
durable, que sais-je... Parmi ceux là, l'exploration habitée de Mars
peut être un beau projet. Néanmoins, je le vois comme une dimension
plus large que la simple question d'exploration spatiale. Il faut,
avant de décider d'un tel projet, le comparer avec d'autres initiatives
d'intérêt général mondial pour choisir la meilleure. A titre personnel,
je pense que c'est une superbe idée (d'où mon adhésion à l'Association
Planète Mars d'ailleurs) car elle permettra des avancées significatives
dans une foultitude de domaines médicaux, sociaux, techniques,
recherches, etc. Il me semble que l'exploration habitée de Mars est
faisable aujourd'hui d'un point de vue technique, mais beaucoup plus
ardue d'un point de vue physiologique (cf le colloque co-organisé par
APM et AAAF sur le sujet les 15 et 16 avril derniers). Plusieurs
écueils majeurs sont à éviter : un tel projet ne peut se concevoir, une
fois de plus, que comme une initiative à vocation "humanitaire",
progrès partagés, coopération, etc.: Si ce devait n'être qu'une
démonstration de puissance politique d'une nation, ce serait très
néfaste et nous devrions nous y opposer; il est également impératif de
concevoir un tel projet, dès le début, avec une contrainte de
répartition harmonieuse de responsabilités auprès de tous les
partenaires éventuels, et non seulement les traditionnels 3 ou 4. C'est
une vision sans doute naïve et très théorique, mais Mars doit servir à
l'amélioration de la condition de l'humanité. Beau programme !...
Pensez vous qu'exploration soit antinomique d'exploitation spatiale ? Non,
certainement pas, mais on ne peut pas envisager d'exploitation sans
avoir défriché un domaine, donc exploration d'abord, exploitation
ensuite.
Quelles sont les causes de la situation actuelle à propos des vols habités européens ? Comme
indiqué plus haut, c'est à mon avis une excellente situation : nous
avons accès quand on veut ou à peu près via nos coopérations avec les
russes et les américains ce qui permet d'optimiser le financement
associé au vol habité
Que pourrait relancer l'idée de vol habité européen indépendant ? Je
ne sais pas, et je ne le souhaite à priori pas car ça correspondrait
probablement à une situation de blocage politique gênante. Aujourd'hui
nous avons une offre d'accès habité à l'espace supérieure à notre
demande grace à la coopération avec les russes et les américains :
quand on veut voler, on vole. Pour cette raison, la décision du
développement d'un système européen autonome, non justifiable en terme
de besoin technique, ne se justifierait que suivant un souci politique
par définition antagoniste de nos coopérations actuelles. Nous ne le
ferions que si nos coopération avec les Russes et les Américains
avaient du plomb dans l'aile et qu'on cherchait à accroître notre
autonomie politique. C'est ce que j'appelle une situation de blocage
politique, c'est-à-dire l'arrêt de nos coopérations.
Que pensez-vous de l'exploration robotique ? Fondamentale, mais certainement complémentaire de l'exploration habitée
Peut-on vraiment transformer l'ATV, ou son dérivé, en module
de transfert pour des astronautes vers l'ISS ? Est-ce faisable
facilement ? Je ne crois pas que ce soit facile. Il est
clair qu'il y a une forte commodité fonctionnelle et qu'on pourrait se
servir d'un grand nombre de technologies mais ce serait un véhicule
très différent. Tout ce qui est associé au transfert orbital, au rendez
vous, aux communications voire une partie de l'ECLSS pourrait être
repris et réarrangé, mais tout ce qui est spécifique au vol habité est
à créer.
Comment vous positionnez vous dans un débat comme ''Moon First'' face à ''Mars First'' ? Je
ne pense pas qu'il soit souhaitable d'aller sur la Lune en premier si
on vise Mars. Il est plus coûteux d'atterrir sur la Lune que sur Mars
(grace à l'aérobraking), la pesanteur y est différente, il y a une
atmosphère, la géologie est différente, ... Même pour s'entraîner en
vue de Mars, je ne suis pas sûr que la Lune en vaille la chandelle.
Que pensez-vous de Mars Direct et de Robert Zubrin ? Solution
extrêmement élégante, qui plus est parfaitement simulable en labo sur
Terre. Ce n’est pas gagné pour autant, car refaire un équivalent d'
"Air Liquide" sur la surface de Mars pour produire quelques centaines
de tonnes d'ergols est complexe, mais le gain potentiel dans la
définition de la mission est tel que ça mérite d'être étudié en détails.
Que penser des priorités programmatiques édictées par le Conseil de l'Espace (Galileo, GMES, Science, etc.…) ? Pas de commentaires particuliers, ces priorités me semblent tout à fait en phase avec la stratégie d'utilisation de l'espace.
Quelles évolutions envisager pour Ariane V ? Il
est important de stabiliser la configuration d'Ariane 5, surtout dans
le contexte actuel de relative stagnation du marché des satellites
commerciaux (tant en nombre qu'en taille). Il est donc sage de ne pas
planifier nominalement d'évolution à moyen terme du lanceur. En
revanche, prévenir c'est guérir, donc il est fondamental d'être prêts à
réagir vis-à-vis de toute évolution non anticipée du marché et/ou de la
concurrence. Pour cette raison, naturellement et comme c'est notre rôle
régalien depuis toujours, nous préparons l'avenir en envisageant toute
une série de modifications potentielles, tant au niveau performances
qu'au niveau coût, mise en œuvre, opérations, ... Mais le principe est
clairement d'avoir un catalogue de modifications dans lequel on peut
puiser le cas échéant.
En tant que responsables des lanceurs futurs au CNES,
quelles sont les grandes voies envisagées et sont elles réalisables
rapidement (une dizaine d'année) ? Comme indiqué
précédemment, il est de notre devoir de disposer à tout instant d'une
panoplie complète de solutions futures correctement évaluées
(complexité technologique, contraintes politiques, coopérations,
contraintes programmatiques, durée de développement, coûts, maintien
des compétences industrielles, etc.). A ce titre, nous nous devons de
maîtriser correctement tout l'horizon des lanceurs futurs, depuis les
très petits jusqu'aux très gros, potentiellement réutilisables,
potentiellement exotiques. Nos axes prioritaires aujourd'hui concernent
surtout les gros lanceurs, type remplacement d'Ariane 5 à l'horizon
2020-2025 avec des lanceurs totalement (Everest), partiellement
(Bargouzin) ou pas du tout (ELV-2020) réutilisables, ce qui répond
globalement à la problématique dite NGL (Next Generation Launcher)
abordée via pas mal de contrats nationaux, bilatéraux, ou ESA (FLPP).
Une autre priorité claire aujourd'hui concerne la préparation de futur
espace militaire européen, genre micro (150 kg) ou mini (500 kg) vers
des orbites basses ou SSO (400 à 1000 km fortement inclinées),
potentiellement réutilisables et reconfigurables.
Quelle corrélation entre l'ESA et le CNES ? Quel rôle pour la France dans l'Europe spatiale de demain ? Les
rôles respectifs de l'ESA et du CNES (ainsi que toute autre Agence
Nationale d'ailleurs) me semblent clairs : l'ESA est l'exécutif en
charge de la réalisation de certains gros programmes confiés par les
agences nationales. De nombreux autres programmes se font en National
seulement, voire en multilatéral au sein de l'Europe ou au niveau
mondial. Il y a donc complémentarité (le budget du CNES est d'ailleurs
également réparti entre les deux volets) et il n'y a, à mon avis, pas
d'ambiguïté. Par ailleurs, au vu de la politique spatiale française et
des budgets associés, la France continuera demain à être la (ou l'une
des) puissance(s) majeure en Europe, force de proposition et de
dynamisme.
Voyez-vous de nouvelles voies dans la propulsion ? Il
faut distinguer l'accès à l'orbite du transfert inter-orbital. Pour le
premier, on a besoin de poussées très fortes pendant peu de temps :
nous n'avons pas de perspectives d'améliorations significatives à moyen
terme. La propulsion aérobie semble trop complexe, la propulsion
nucléo-thermique n'est pas envisageable dans l'atmosphère, on a bien
quelques idées d'amélioration d'ergols ou de cycles, mais globalement
la propulsion chimique, et le LOX-LH2 notamment, va rester ce qu'on
fait de mieux pour un moment. Le transfert inter-orbital, en revanche,
fait l'objet de très nombreuses voies d'amélioration. La propulsion
électrique, regroupant sous ce vocable une très large panoplie de
solutions (arc-jets, électrostatique, MHD effet Hall, Attila, etc...)
est très prometteuse. On parle beaucoup de propulsion
nucléo-électrique, associée à des propulseurs électriques de forte
poussée ; c'est certainement une voie obligatoire pour l'exploration
lointaine, automatique ou habitée. D'autres concepts sont étudiés, peut
être moins crédibles, comme la propulsion hélio-thermique, voire
hélio-dynamique (voiles solaires matérielles ou immatérielles) ou les
transferts par câbles, électrodynamiques ou à transfert de moment
(tethers) ; bref, toute une gamme d'améliorations potentielles fort
riche en cours d'éclosion
Comment solutionner à moyen ou long terme l'accès à l'orbite ? Comme
indiqué ci-dessus, je ne crois pas à une amélioration significative à
moyen terme en ce qui concerne la première phase de vol, l'accès à
l'orbite
Que pensez-vous de l'ascenseur spatial ? Au
premier degré, c'est une plaisanterie : la faisabilité technique est
non démontrée, notamment sous l'aspect matériaux, transmission de
l'énergie, tolérance à la rupture et risques de collisions avec les
satellites et débris spatiaux ; l'intérêt global n'est pas démontré, ce
système n'étant utilisable qu'en GEO ou au-delà (sous conditions de
fenêtres de lancement assez complexes) et ne peut pas remplacer le
lancement des satellites LEO, SSO ou MEO de plus c’est non utilisable
pour du vol habité en raison de la lenteur de traversée des ceintures
de radiation ; le ‘’business plan’’ reste à faire ; je n'y crois donc
pas du tout. Au second degré, en revanche, c'est remarquable comme
vecteur de rêve, utopie sans être science fiction, très moteur pour les
jeunes ; cela permet de mettre en valeur des travaux comme les
nanotubes de Carbone ou la transmission d'énergie à distance, des
boîtes se forment (et se défont) tous les jours aux US sur ce thème, un
concours a été lancé sur les technologies d'ascenseur avec des
démonstrations par étapes : on a besoin de tels rêves pour susciter
l'engouement des jeunes (et plus ceux-ci me traiteront de vieux schnock
incapable d'anticipation, mieux ce sera !...)
Quelles perspectives avec les Russes ? Nous
aimons bien coopérer avec nos amis russes : tailles de structures et
budgets comparables, passés importants de part et d'autre, et surtout
virginité identique en ce qui concerne les problèmes technologiques
nouveaux relatifs aux lanceurs futurs (moteurs réutilisables,
réservoirs nouvelle génération, structures innovantes, protections
thermiques, etc...). De plus, notre coopération avec eux en matière de
spatial remonte à la nuit des temps, avec une mention particulière aux
groupes de travail lanceurs futurs depuis près de 5 ans. Il y a donc un
accord global pour faire un peu de chemin ensemble, et plus si
affinités !
Notamment sur le programme Oural ? La
concrétisation la plus visible de cette coopération est le programme
Oural, concaténation de 5 projets (système, propulsion, structures,
Pré-X et FLEX), gros programme impliquant une grosse part du tissu
industriel européen et s'étalant sur 5 ou 6 ans au moins. Sa raison
d'être est la réalisation de démonstrateurs technologiques visant à
montrer notre maîtrise à l'horizon 2010-2015 de ce dont on pourrait
avoir besoin dans le cadre NGL.
Quelles coopérations concrètes avec les Russes ? La
coopération avec les russes sur les lanceurs futurs est un a priori
fort aujourd'hui, qui motive la dynamique Oural notamment. Maintenant,
le développement en commun d'un NGL par exemple, dans 10 ans ou plus,
sera bien sûr fonction d'accords bi-latéraux entre Russie et Europe, au
moment ad-hoc.
Que pensez-vous de Klipper ? Déjà, il n'y a pas
un Klipper, mais plusieurs projets concurrents assez distincts,
certains réutilisables, d'autres non, ailés ou pas... Cette initiative
industrielle russe est logique, et fait suite aux nombreux projets
d'amélioration des Soyouz. Reste à savoir pourquoi on jugerait
nécessaire aujourd'hui d'améliorer Soyouz ! Le projet initial avait
comme visée principale le tourisme spatial et la possibilité d'avoir
des vols avec 4 ou 5 passagers payants ; c'est, à mon avis, ce qui
explique le faible engouement de Rossaviakosmos à l'époque. L'annonce
faite depuis de l'abandon de la Navette à l'horizon 2010 a remis le
projet Klipper sur le devant de la scène, permettant de résoudre
d'éventuels problèmes d'accès à l'ISS, voire de combler le gap avant
l'arrivée du CEV. Pour cela, il faut que le Klipper soit utilisable par
la NASA, donc ne pas se retrouver sous le coup des restrictions liées à
l'Iran Act, d'où obligation de développer le Klipper en coopération
internationale, ce qui explique l'insistance actuelle de nos amis
russes sur le sujet. Néanmoins, il nous faut rester logiques avec
nous-mêmes et bien peser les arguments pour et contre avant d'envisager
une telle coopération.
Quel rôle doit prendre l'AAAF ? Question
facilement polémique : la vraie question est "à quoi sert l'AAAF ?" ;
il faut impérativement que les membres comprennent pourquoi ils payent
une cotisation, donc définir clairement la plus value de l'assoc. Il
faut pour cela mettre à disposition des membres des informations ou des
synthèses dont ils ne disposent pas par ailleurs (compte rendus de
colloques, planches des présentations, Position Paper), mettre en place
une banque de renseignements efficace (réseau organisé pour donner une
réponse à toute question dans ces domaines), faciliter les contacts
entre membres, notamment jeunes et référents, offrir un journal et un
site attrayant, des réducs sur les colloques voire sur certains livres
de référence, ... Ne pas oublier surtout que beaucoup de ces avantages
sont directement accessibles sur simple mail vis-à-vis du CNES, de
l'ESA ou des industriels majeurs. L'AAAF n'a pas, ou quasiment pas, de
sélection à l'adhésion ; il n'y a donc aucune garantie que ses membres
soient les références sur un sujet donné ; pour cela, la nouvelle
notion de membres senior et/ou émérite est importante. Sur un sujet
comme le vol habité ou l'exploration spatiale, l'AAAF pourrait se
charger d'un ‘’Position Paper’’ de référence contenant les éléments
factuels associés à cette initiative (contraintes mission, contraintes
techniques, disponibilités technologiques, état de l'art, programmes en
cours, aspects programmatiques) qui pourrait servir de base, référence
naturelle de tout un chacun qui souhaiterait en savoir plus sur le
sujet. En revanche, à ma connaissance, ce n'est pas le cas aujourd'hui.
Il faut donc faire progresser notablement le rôle de l'AAAF dans un
futur proche afin de lui restaurer le rôle de référence qu'il devrait
avoir.
Interview de Christophe Bonnal par Nicolas Turcat (Président de la NSS France).
Christophe BONNAL est Chef de Projet Senior - Lanceurs Futurs CNES - Direction des Lanceurs, Rond Point de l'Espace - 91023 EVRY Cedex, France .
NSSFRANCE @ 17:38 |
En 2018 sur la Lune ? Un défi politique.
L’Exploration System Architecture Study (ESAS) de la NASA vient de
publier son rapport final : ses recommandations sont claires : aller
sur la Lune avant la fin de la décennie suivante. Notre satellite
naturel est donc visé pour 2018 avec une capsule type Apollo trois fois
plus grande, et pouvant faire alunir 4 astronautes pendant 7 jours. Le
lanceur Saturn V est remplacé par 2 lanceurs consommables : Un booster
du STS d’ATK pour la capsule (avec un puissant étage supérieur adapté
aux spécificités du vol habités : le CEV), et un lanceur lourd
transformé pour l’occasion en cargo. A nouveau, ce dernier est dérivé
du STS puisque les moteurs SSME sous le corps principal et les boosters
latéraux feront le gros du travail dans les premières minutes du
décollage. Notons que le cargo est séparé de l’équipage dans cette
solution et que de nombreux arrimages seront requis pendant la mission.
Evidemment, le mélange d’EOR et de LOR, la forme proche d’une capsule
Apollo, ou la taille du lanceur lourd cargo proche de la Saturn ne peut
nous empêcher de penser aux missions Apollo des années soixante.
Définitivement, la solution de facilité semble avoir été choisie et
tant mieux pour le succès potentiel de la mission. La mission est
possible techniquement et budgétairement maintenant il ne reste plus
qu’à s’assurer un soutien politique constant. M. Griffin,
administrateur de la NASA, présente le projet comme le plus commode, le
moins coûteux et surtout le plus sécurisé.
On notera quelques points : le véhicule dédié à l’équipage (CEV)
devrait être capable de desservir la Station Spatiale Internationale en
emportant, alors, 6 astronautes. Le véhicule cargo est un ‘’Shuttle
derivated Vehicle’’, ainsi intègre-t’il un réservoir central identique
au STS mais plus long, 5 moteurs SSME, et deux booster latéraux plus
puissants (5 joints). Le véhicule dédié à l’équipage (CEV), dérivé d’un
accélérateur à poudre SRB d’ATK sera réutilisable, le second étage de
ce lanceur sera propulsé par un SSME (ou type J2S ?) afin d’injecter
correctement la capsule sur son orbite. Le ‘’Command & Service
Vehicle’’ possèdera des panneaux solaires et attendra (en automatique)
en orbite autour de la Lune pendant la mission de 7 jours sur le
satellite naturel de la Terre. L’alunisseur est encore mal défini selon
M. Griffin en conférence de presse et le design reste très conceptuel,
ainsi trouve-t’on un design proche du Lander d’Apollo ou du véhicule
d’alunissage soviétique des années 60. L’atterrissage sur Terre se fera
dans le désert californien près de la base d’Andrews, ce qui est une
première pour les américains. L’influence russe a aussi fait son chemin
au sein de la NASA. M. Griffin a aussi insisté sur l’utilisation des
technologies déployées pour de futures missions vers Mars, il cita par
ailleurs dans ce cadre, le lanceur lourd de 125 tonnes (106 tonnes LEO
dans une première version), ou les technologies lunaires, ainsi que le
CEV de l’équipage de 4 hommes. Néanmoins, nous noterons que le projet
ne fait pas état, actuellement, d’installations fixes sur la Lune, ni
de développements de structures futures sur cet astre. On peut pourtant
évoquer un responsable de la NASA qui parle d’une mission purement
américaine sur le Lune qui pourrait se transformer en coopération, une
fois établie là haut. Politiquement, il est très concevable d’oublier
de parler de structures fixes sur la Lune, en ce temps de restrictions
budgétaires, afin d’éviter d’effrayer quelques farouches journalistes
ou Hommes politiques. Cependant on peut regretter la justification un
peu légère du projet : ‘’ Notre Président nous a fixé des buts’’. Dans
la même veine, Keith Cowing de NasaWatch.com montre bien dans son
billet du 21 septembre 2005 (NASA’s ESAS’ Rollout : Pretty Spaceships
without Social Context) que la justification globale du projet est trop
succincte pour convaincre. De plus le même auteur met en exergue
la mauvaise gestion de l’annonce par la NASA dans un contexte social et
politique très lourd aux USA. Le projet est pourtant décrit comme
réaliste par tous les experts puisqu’il ne semble pas nécessiter pas de
hausse de budgets. Le projet est estimé à 104 milliards de dollars, ce
qui représenterait 55% du coût d’Apollo en dollar constant.
L’utilisation de technologies modernes dérivées du Shuttle additionnées
aux améliorations électroniques et informatiques, et d’une architecture
type Apollo est, au final, assez impressionnante. Au sein de la NSS
France, nous ne pouvons que soutenir le projet présenté, féliciter la
NASA pour son travail et espérer que les Européens s’intègrent au mieux
à la mission en participant directement, ou pas, à ces développements
futurs.
Il faut aussi discerner les réactions des différents
acteurs politiques américains, car si présenter un projet est une
chose, le concrétiser en est une autre. Les médias français et
américains ont remarqué que le projet coûtait le même prix que la
reconstruction de la ville de la Nouvelle Orléans suite au passage
désastreux de l’ouragan Katrina et qu’il n’était pas judicieux de
présenter un projet comme celui-ci à un tel moment. La réponse de M.
Griffin est sans appel : ‘’Avant tout, je souhaite rappeler que
l’alunissage n’est prévu que pour 2018, il y a aura encore des
centaines d’ouragans et de désastres naturels jusqu’en 2018(…) mais le
programme spatial américain est un investissement à long terme pour le
futur, nous devons faire avec les contingences du court terme sans tuer
les ambitions du long terme ; lorsque nous avons un ouragan, nous
n’arrêtons pas l’Air Force, ni ne supprimons la Navy donc nous
n’annulerons pas la NASA.’’. Si la forme n’est pas la plus claire qu’il
soit, le contenu des propos tenus par Mike Griffin est finalement assez
traditionnel pour l’agence américaine mais quelque peu hors de propos
politiques. Alors que certaines sources font état d’un éventuel
‘’extra’’ budgétaire à fournir pour accomplir le projet (4,8 milliards
de dollars avant 2010), Mike Griffin tint à insister sur le fait que le
projet restait dans la droite ligne budgétaire autorisée par le Congrès
et la Maison Blanche, si le budget NASA reste constant. Pourtant, on
peut souligner le fait que la NASA n’a pas demandé des fonds
supplémentaires à l’Office of Management & Budget (OMB) pour le
projet spatial, ici, décrit mais semble l’avoir fait pour Hubble,
Return To Flight (RTF) et l’ISS. Notons que le budget de la NASA de
16,4 milliards de dollar est en hausse pour l’année 2005. Enfin, lors
des séances de questions par les journalistes, remarquons que Mike
Griffin n’a pas pu répondre à une journaliste de l’AP lui posant la
question de la date de l’atterrissage sur Mars. Est ce que la date de
2030, évoquée en janvier 2004, serait toujours à l’ordre du jour ? Par
ailleurs, les journalistes firent état de différences de vision
concernant les financements du projet entre l’OMB et la NASA, ainsi que
du problème du creux entre 2010 et 2012 pour les lancements vers l’ISS.
Le problème du ‘’gap’’ entre la fin des navettes et le début du CEV ne
semble pas faire peur à Mike Griffin qui parle de coopérations avec les
russes (Klipper sera censé être prêt pour 2010-2014 …).
Enfin nous pourrions rappeler les autres réactions
notamment d’une partie de la communauté scientifique qui s’exprimait,
un peu hâtivement, pour signaler que ce projet était un ‘’projet de pur
marketing’’ digne de la NASA avec l’intervention de l’astrophysicien
James Lequeux sur la radio Europe 1 le 20 septembre. Notons (et ceci
est l’opinion seule de l’auteur de ces lignes) qu’un grand nombre
d’acteurs de cette communauté scientifique a un coté très conservateur
et profondément corporatiste dès qu’il s’agit de parler politique
spatiale. Les aspects économiques, visionnaires, stratégiques,
politiques, ou même scientifiques indirects (pensons aux retombées
scientifiques des missions lunaires des années 60…) les dépassent
complètement. Insistons aussi que la NASA, ces derniers jours a
communiqué que la Science et l’aéronautique au sein de l’agence ne
seront aucunement déshabillées pour habiller les vols habités (1/3 du
budget) : ‘’par un dîme ne sera supprimé à la Science’’ disait Mike
Griffin. S’il est vrai que l’affaire STS 114 a provoqué de nombreux
questionnements et doutes parmi les acteurs du spatial, et s’il est
exact que les USA envisagent une Station Spatiale réduite à 16 missions
(au lieu de 28), il ne s’agit pas de tirer sur un projet à peine monté.
Ces derniers temps, la NASA a pu montrer, dans un certain sens, qu’elle
avait mal su gérer le programme navette et le retour en vol de ces
dernières (fin 2006 est désormais évoqué à Washington DC !), nous
espérons qu’elle saura administrer un projet qui remet les cartes sur
tables et repart presque à zéro. Lorsque l’on est leader sur un
secteur, on se doit d’assumer sa position et respecter ses engagements
: ce qui risque de ne pas être le cas pour la Station Spatiale
internationale. Alors que les nombreux spécialistes du spatial disent
du CEV que c’est ‘’véhicule simple et autoéquilibré’’ (Le Monde - M.
Augereau), les mauvaises langues commencent à parler d’un mauvais
timing pour l’annonce du projet (Katrina, Rita, la guerre en Irak…) et
certains hommes politiques américains évoquent l’annulation purement et
simplement de la mission.
Coté politique américain, l’annonce de l’ESAS a
troublé les hommes du sérail au Congrès. Alors que les Etats-Unis, et
l’administration républicaine américaine sont sous le coup des
critiques pour l’affaire de Katrina, les remous politiques autour de la
NASA, de l’OMB ou même de la Maison Blanche risquent d’être fatals au
projet. Ainsi le 21 septembre 2005, le New York Times annonçait que des
Républicains conservateurs de la House travaillaient sur un projet
(Opération Offset) qui vise à compenser les coûts de reconstruction dus
à l’ouragan Katrina. Ces représentants ont établi mardi 20 septembre
une liste de programmes fédéraux à supprimer, retarder ou annuler en
vue de gagner 500 milliards de dollars sur 10 ans. Outre la nouvelle
prescription de médicament couvert par le Médicare pour l’année
prochaine (31 milliards de dollars : Medicare Prescription Drug
Benefit), l’effort d’entretien des transport prévu pour l’année
prochaine, notamment à Houston (25 milliards de dollars) à supprimer ;
le projet de la NASA, annoncé lundi, pourrait être lui aussi supprimé,
purement et simplement, si les conseils de ce groupe de travail
Républicain (représentants des intérêts d’avocats du sud des USA)
étaient suivis : ceci permettrait de gagner 44 milliards de dollars
selon le rapport. Dans le même genre, ils envisagent aussi de faire
payer le parking aux voitures des employés fédéraux pour gagner 1,5
milliards de dollars. Au sein de cette même majorité républicaine au
Congrès, M. Tom DeLay (Rep. Texas) fit paraître un communiqué de presse
s’opposant à cette manœuvre structurel de son propre parti. L’opération
Offset tend aussi à démontrer politiquement que les républicains
peuvent trouver les ressources financières pour assurer la
reconstruction sans lever de nouvelles taxes. Des sources proches de
l’OMB veulent dans le même temps calmer le jeu, en rappelant que rien
n’est décidé et que ce n’est qu’un groupe de travail d’avocats en
charge de la reconstruction qui ne font que proposer des solutions aux
représentants Républicains. Si politiquement, il serait difficile de
revenir sur une partie du Medicare ou sur les transports (intérêt
républicains immédiats, notamment dans le sud des Etats-Unis de Tom
DeLay), le plan spatial de la NASA peut sauter beaucoup plus
facilement. Si le sénateur Kay Hutchinson (Rep. Texas – Président du
Commerce Subcommittee on Science and Space) a applaudi l’annonce de
l’ESAS par la NASA, le sénateur républicain New Yorkais Sherwood
Boehlert (président la House Science Committee) insista sur le fait que
le Congrès ne pouvait pas augmenter les fonds alloués au programme CEV
tant que l’Administration et le Congrès n’avaient pas décidé si une
levée de fonds supplémentaires était réellement nécessaire (du en
partie à cause du programme RTF). Le Représentant Républicain Ken
Calvert de Californie (Co-Président du Space and Aeronautics
Subcommittee on the House Science Committee) souligna le fait que la
conquête spatiale se faisait dans le cadre dynamique de la concurrence
internationale et cita les ambitions chinoises en la matière. M.
Calvert ajouta aussi qu’il ne pensait pas que le coût soit prohibitif
et que l’exploration de l’Espace est un investissement dans l’économie
et l’Education américaine. Vous l’avez compris, dès qu’il s’agit de
parler de budgets, les décideurs politiques prennent des gants et
souhaitent rester dans le cadre de l’accord tacite entre l’OMB, la NASA
et la Maison Blanche concernant l’évolution du budget de l’agence.
Pour conclure cet édito, il faudra insister sur la
nécessité absolue d’un soutien politique fort de la part de la majorité
au Congrès si le projet veut aboutir. Les risques sont plus grands que
jamais d’autant plus que le contexte de la Louisiane rend la situation
politique pour cette majorité très périlleuse dans la perspective des
élections de mi-mandat du Congrès prévues pour l’année prochaine. Le
faux pas politique guette donc le projet. Notons aussi que les aspects
scientifiques n’ont pas, ou peu, été traités dans cette
architecture-type et qu’un effort de communication serait le bienvenu
si la NASA veut faire taire les mauvaises langues qui parlent de
‘’brochure touristique’’ à propos du rapport de l‘ESAS. Le zoom
excessif du projet sur la Lune peut aussi être à déplorer dans la
perspective de la conquête de Mars. Si l’approche technique est
minimaliste mais suffisante pour faire démarrer le projet dans des
conditions financières correctes, il faudra définir au mieux les
projets à long terme, et exprimer politiquement les raisons d’installer
des Hommes sur la Lune ou de lancer des missions d’exploration vers
Mars. La justification politique du projet est à l’heure actuelle nulle
et il faudra trouver une parade à ce défaut de naissance. Le coté
‘’Glam’’’ du CEV ou du ‘’Moon Lander’’ ne suffira pas justifier très
longtemps 104 milliards de dollars… Le jeu politique washingtonien
risques de tourner au jeu de massacre dans le prochains mois pour
l’administration Bush si les raisons de retourner sur la Lune ne sont
pas exprimées plus clairement ; si tel n’est pas le cas, le projet
tombera, à coup sur, à l’eau. Le problème irakien, venant s’ajouter à
la mauvaise gestion de l’ouragan Katrina, les difficultés de la NASA à
gérer le Retour en vol de la navette, ou de la suppression, même
temporaire, de certaines aides comme des pans entiers du Medicare vont
poser de sérieux problèmes électoraux aux Républicains aux élections de
mi-mandat de 2006. Politiquement il faut donc rapidement justifier
l’ESAS et le projet d’exploration spatiale auprès du peuple américain :
un gros travail de communication politique sérieux doit être débuté dès
aujourd’hui. Face à cette situation américaine, à nouveau instable,
l’Europe doit trouver une solution convenable afin de définir sa
posture notamment sur des sujets comme l’ISS ou l’exploration.
Nous payons désormais, au prix fort, le prix de notre dépendance
spatiale avec Etats-Unis avec le retard des vols navettes (premières
missions vers l’ISS, début 2007 ?) et les problèmes de livraisons pour
l’ISS : 16 au lieu de 28 pour la compléter… Le prochain conseil
ministériel de l’ESA devra émettre des propositions concrètes et
rapides pour solutionner cette dépendance qui est préjudiciable à nos
travaux scientifiques. Alors que les enjeux stratégiques entre les USA
et l’Europe voient le jour régulièrement, nous pensons qu’il pourrait
être utile de proposer, par exemple, un plan commun avec les russes et
les européens volontaires de finalisation de l’ISS, de proposer une
coopération critique avec les Américains dans la perspective de la Lune
en 2018 ou de proposer l’établissement rapide d’un groupe de travail au
sein de l’ESA qui réfléchisse à l’opportunité qui nous est présentée de
profiter de la situation US afin d’avancer ses pions sur l’échiquier
spatial. Politiquement, profiter d’une situation n’a rien de choquant,
mais l’intérêt direct de l’Europe spatiale peut ici se jouer facilement
et se justifier encore plus. Si comme Patrick Baudry sur LCI, mercredi
21 septembre (Question d’Actu de Jean-François Rabilloud), nous pensons
que ‘’l’Europe a le savoir faire technique et les capacité financières
pour aller sur la lune, il manque l’autorité politique pour accomplir
la mission’’, un travail politique au niveau européen doit être fait.
Toujours dans cette émission, Patrick Baudry, reprenant l’exemple de
Jean-François Clervoy, compara la politique spatiale US à l’européenne
en mettant en valeur le choix politique et stratégique fait par les
Etats-Unis : alors que les citoyens américains mettent l’équivalent de
25$ par an dans les vols habités, les Européens ne mettent que 1,5$,
c’est donc bien selon Patrick Baudry, ‘’un choix politique qui fit
devenir, en partie, les Etats-Unis, la première puissance au monde’’.
L’Europe a tout à gagner à s’insérer judicieusement dans ce jeu
stratégique spatial. Il faudra aussi lors du prochain conseil
ministériel débattre sérieusement et concrètement pour adapter la
posture européenne face à la situation américaine. Nous l’avons déjà
dit : l’heure des choix a sonné et il est temps de passer aux choses
concrètes pour l’Europe spatiale. L’autorité politique manque en Europe
et la gouvernance politique d’un programme comme celui-ci est la clé du
succès de ce genre de projet, c’est bien ici la faiblesse européenne
qu’il faut pallier rapidement. A nouveau une bonne dose de courage
politique sera requise !
Nicolas Turcat Président de la NSS France.
NSSFRANCE @ 12:06 |
Grands programmes ?
Il est rare que j'aborde des sujets connexes à l'Europe spatiale,
mais je tenais à vous faire partager ce papier de l'Institut Montaigne
de M. Claude Bébéar. Le colloque, organisé par son think tank Institut
Montaigne, porta sur '' les grands programmes font-ils les grandes
inventions ?'' le 20 septembre dernier.
Voici donc le pitch de la conférence : '' Comment doper la recherche et relancer l’innovation, génératrices de
croissance et créatrices d’emplois ? La France opte traditionnellement
pour de vastes projets de recherche appliquée, pharaoniques tant par la
taille des équipes que par les moyens engagés. Le souci légitime de
résultats rapides et concrets en vient à éclipser l’importance de la
recherche fondamentale et l’exigence d’une allocation parcimonieuse des
crédits publics. Les mesures annoncées au printemps 2005 (nouvelles
agences, grands programmes) s’inscrivent dans cette logique. Mais
est-elle la bonne ? Pas si sûr… Pariez sur la recherche
fondamentale, sélectionnez des équipes restreintes, allouez-leur des
moyens modestes pour l’État mais considérables pour elles et voyez
comment de « petits » projets débouchent souvent sur des idées
nouvelles, de grandes réalisations voire des ruptures technologiques
majeures''.
Dans le papier corrélatif à la conférence et préparant cette dernière, daté du mois d'août ''Amicus Curiae'',
l'exception française est loin d'etre exempte de défaut : beaucoup
d'agences (agence pour l'innovation industrielles ou l'agence nationale
de la recherche), de grands organismes de recherches généralistes ou
sectoriels comme le CNES ou l'ONERA dans le domaine qui nous
interresse, une marginalisation complète de nos universités. Selon le
''position paper'', le Ministère de la Recherche est désormais
incapable de prendre des risques ou même de gérer à temps les
opportunités de recherches innnovantes. D'emblée, le papier de
l'Institut Montaigne évoque l'impossibilité réaliste de faire une ''révolution''
mais plutôt une réforme de l'intérieur en tenant compte des
contingences politiques et financières. L'Institut Montaigne déplore
aussi la recherche orientée ou la recheche purement technologique dans
la mesure où elles sont facilement faisables et déjà en cours; le
papier entend alors remettre en avant la Recherche fondamentale. Se
fondant sur le fait que les grandes découvertes ou ruptures
technologiques n'ont pas été orientées mais trouvées accidentelement ou
étant le fruit d'une recherche fondamentale poussée.
Ainsi l'Insititut propose de parier sur la recherche fondamentale et
des équipes restreintes avec un programme dit ''rouge''. Ce programme
rouge comprendrait 100 équipes en sciences dures et 50 en sciences
humaines et sociales dans le cadre de l'agence national pour la
Recherche. Les équipes selectionnées, en plus de leur propre
financement déjà en cours, auraient une dotation financière
substantielle répartie sur 3 ans. Ainsi une équipe en sciences dures
pourrait se voir doter de 300.000 euro par ans pendant 3 ans, et une
équipe en sciences sociales de 100000 euro par an pendant la même
période. Le total ferait un engagement pour les finances publiques de
35 millions d'euro par an, soit 105 millions sur 3 ans, ce qui serait
raisonnable si on les compare aux 700 millions de dotations sur 3 ans
de l'Agence nationale de la Recherche ou aux 2 milliards d'euros pour
l'Agence de l'Innovation Industrielle déjà engagés. Ce budget de 35
millions d'euros devrait etre imputé à l'Agence nationale pour la
Recherche et serait le complément au traditionel programme ''blanc''
(déjà 202 millions d'euro) de l'agence qui lui sélectionne les équipes
de recherche et les travaux à faire (donc = recherche trop orientée)
par des groupes d'experts. Notons que les 150 équipes du programmes
rouges serait selectionnées en 3 mois à l'initiative du DG du CNRS et
de l'INSERM, déjà compétents. C'est donc bien une mesure rapide et
d'ugence constituée d'équipes déja habituées à travailler ensemble et
cohérente dans ses travaux. Les resultats des travaux seront évalués a
posteriori au cours de la 3ème année.
L'avantage de cette stratégie est qu'elle évite la creation de
structures nouvelles, elle permet aussi d'accélerer les projets en
cours ou d'emprunter de nouvelles pistes de recherches abordant des
sujets nouveaux. Cette stratégie selon l'Institut Montaigne semble
s'intégrer au mieux dans le cadre de la politique gouvernementale de
développement des poles de compétitivité. C'est donc bien mesure
concrète et opératoire que nous propose ici l'Institut de Claude Bébéar
face à l'agence pour l'innovation industrielles de Jean-Louis Beffa
encore balbutiante. La démarche est intéressante et, au dela du titre
de la conférence un peu polémique, met en avant la necessité absolue de
conserver une recherche fondamentale de qualité dynamique et hors
contrainte financière trop stricte en Europe et en France. La stratégie
empruntée m'a semblée interessante pour etre soulignée.
le lien de l'institut Montaigne : ici
A réfléchir pour la politique spatiale européenne ...
Nicolas Turcat
NSSFRANCE @ 23:49 |
Un rêve pour l'Europe !
A l’heure du décollage, et de la
réparation en vol de la navette spatiale américaine en direction de
l’ISS avec à son bord le module Raffaello de l’agence spatiale
italienne, il est temps de faire un bilan de la politique spatiale
européenne ces six derniers mois. Si le retour d’Ariane V en version
lourde est assuré depuis la fin de cet hiver, son avenir à long terme
ne l’est pas pour autant. L’Europe se pose encore des questions sur les
intérêts de l’exploration et l’exploitation de l’espace par l’Homme. Le
seul réel argument affiché étant les budgets européens qui ne plaident
pas en faveur de quelques ambitions. Les Etats-Unis semblent avoir
dépassé ce stade pour se consacrer pleinement à leur initiative
spatiale lancée en 2004 par le Président Bush. M. Griffin, nouvel
administrateur de la NASA, semble vouloir faire avancer les choses,
quitte à presser le pas d’ici 2010. Les choix qui seront faits pourront
être discutables mais ils auront au moins le mérite d’exister! Ce qui
est loin d’être le cas sur notre continent. Pour cela on peut analyser
les six derniers mois en traitant 5 sujets principaux nous concernant :
les vols habités sont-ils toujours utiles ? si non, à quel profit ? les
idées de François Auque d’EADS ST, les problèmes politiques plus
généraux de l’Union Européenne, le programme spatial européen envisagé
par le conseil de l’espace en juin 2005, et enfin une initiative
spatiale européenne qui donnerait une nouvelle dimension plus citoyenne
à l’Europe.
Pour revenir rapidement sur ce début d’année 2005,
il aura été celui du doute et du questionnement permanent. Doute, avant
tout, car, l’avenir de l’Ariane V en 2010 a été mis en joug par Jacques
Serris (du ministère de la Recherche) si le lanceur européen n’était
toujours pas rentable d’ici là. Si beaucoup de spécialistes ont
condamné de tels propos outranciers et volontairement provocateurs,
c’est justement le dernier point qui nous intéresse. La provocation
faite sur ce point est révélatrice d’un véritable malaise au sein du
milieu spatial européen. Depuis fin 1993, en Europe, on ne parle plus ‘’d’autonomie d’accès à l’espace habité’’,
et c’est bien là notre problème ! Il est évident qu’au sein de la NSS
France nous pensons que l’acquisition, la maîtrise et l’utilisation
d’un lanceur moyen/lourd comme Ariane V est nécessaire voir
fondamentale à toute politique spatiale indépendante de l’Europe :
C’est l’étape indispensable pour toutes autres politiques spatiales
crédibles. Et cet état de fait sine qua none n’a pas de prix !
Evidemment, soyons réalistes, si nous comprenons que ce lanceur soit
rendu le plus rentable possible, nous entendons aussi en faire un
vecteur stratégique fort du phénomène Europe puissance. Le lanceur
Ariane V ne doit pas à tous prix être rendu rentable, mais il nous doit
être utile et servir comme outil de la puissance spatiale européenne
C’est aussi un instrument politique fort en faveur d’une Europe unie et
ambitieuse. Sachons en faire un argument positif pour faire évoluer les
choses à partir de maintenant. Dans la même perspective, nous avons vu
apparaître le rapport de Dominique Mailhot et François Michel (Nov.
2004) intitulé ’’de l’utilité de l’effort spatial’’. L’aspect
stratégique du secteur spatial est remarquablement bien mis en avant
dans ce rapport cependant les retombées scientifiques et technologiques
sont complètement sous-estimées pour ne pas dire niées… Certes, c’est
du ‘’classique de l’anti-Homme dans l’espace’’ que nous
servent avec plus de 10 ans de retard les auteurs de ce rapport. Les
vols habités sont selon les auteurs coûteux et inutiles et grèveraient
les budgets scientifiques de l’Europe. Les auteurs prônent une
orientation militaire et sécuritaire du secteur spatial. Selon eux les
applications civiles ne seraient utiles que si elles sont impulsées par
des applications militaires innovantes. Si la langue de bois n’est pas
tenue dans ce rapport (notamment les choix politiques de maintien de
filière), ce rapport est encore un exemple de ce qu’il ne faut pas
faire : des choix catégoriques. Au moment où l’Europe des 25 choisit sa
future politique spatiale (cf. plus loin), aucun choix restrictif ne
doit être fait. Ainsi, nous répondrons que l’Europe se DOIT de posséder
une filière Ariane, se DOIT de continuer ses vols habités vers l’ISS,
se DOIT d’essayer de rentabiliser les retombées technologiques et
scientifiques de l’Espace ! L’Europe du 21ème siècle ne sera pas
cantonnée à tel ou tel secteur. Imaginons plutôt une Europe qui
investisse dans les vols habités, dans de nouveaux lanceurs, dans le
spatial militaire et aussi dans les applications civils et
scientifiques. Nous croyons que l’Europe innovante et gagnante sera
celle qui investit dans tous ces secteurs à la fois. Il n’y pas de
choix drastiques et budgétés à faire, il n’y a qu’une ambition à
dessiner. Cette logique purement monétariste qui veut que les
instruments fondamentaux et innovants de sa propre politique d’avenir
soient rentables immédiatement est suicidaire pour la décennie
européenne à venir. Alors que les grandes nations investissent à fond
perdu dans la Recherche et Développement/Technologie, l’Europe fait des
choix qui risquent de l’amputer de ces ambitions à venir. Nous n’avons
plus de choix. Des choix politiques massifs en faveur de l’innovation
réelle sont à faire en Europe : ils concernent autant les applications
de l’espace dédiées aux civils ou aux scientifiques, que les vols
habités, le maintien et l’utilisation profitable du lanceur européen,
ou l’espace militaire et stratégique européen. L’innovation sera
globale et comprendra tous les domaines ayant un rapport avec l’espace
en Europe. L’Union européenne s’est construite à travers de nombreux
projets concrets et devra le faire ces prochaines années sans se
restreindre des domaines prétendument coûteux où les autres puissances
investissent massivement. Pas de mimétisme stratégique, juste un
investissement fondamental dans des secteurs qui nous permettront de
développer de très nombreux potentiels d’activités européens !
Nous
avons pu aussi entendre sur ce point depuis le début de l’année 2005,
François Auque, DG d’EADS ST, qui n’hésita pas à donner bruyamment son
point de vue sur la politique spatiale européenne et ses enjeux pour
les années à venir. Commenté positivement dans Air et Cosmos, François
Auque s’est exprimé sur ce sujet dans Le Monde ou lors de la Réunion de
la fondation Robert Schuman en juin 2005. A contre courant de la pensée
dominante qui tend à se congratuler les uns les autres pour ses actions
‘’remarquables’’, François Auque nous fit part de ses
préoccupations concrètes pour l’avenir de la politique spatiale
européenne (un peu comme le fit M. Busquin, ex commissaire européen
lors de cette même réunion). Partant du principe qu’il n’existe pas ou
peu de marché commercial, l’espace est désormais, et avant tout, un
enjeu institutionnel : donc stratégique. Or l’espace européen est selon
lui en crise : il y aurait une fragmentation des industries spatiales
européenne, une renationalisations des politiques d’agences spatiales
(cf. CNES, DLR ou l’Italie). Toujours selon M. Auque, avis que nous
partageons, L’Europe passerait bientôt en ‘’seconde division’’
à cette vitesse. Les pays émergeants d’hier nous domineront demain
puisque leurs ambitions rattrapent désormais les nôtres. Il fait aussi
le constat que le soutien politique et la compréhension politique du
secteur spatial sont insuffisants sur notre continent. La France, jadis
‘’machine à tracter’’ l’Europe, s’essouffle et ne parle plus que
budgets ! Il dressa aussi un constat dramatique du segment spatial
militaire stratégique où le fossé technologique avec nos alliés ne fait
que s’agrandir. Plus préoccupant pour la NSS France est la question de
ce que l’Europe fait pour se préparer à l’avenir. Selon M. Auque, les
palabres européennes concernant l’espace ne permettent pas de conserver
le niveau technologique requis pour s’assurer le secteur de façon
stratégique. Ce point est crucial dans une perspective de politiques
d’avenir Les programmes de développement devraient être lancés sur de
multiples domaines du spatial européen (lanceurs, démonstrateur, etc.).
Alors que les Etats-Unis préparent les lanceurs du futur avec 1
milliard de $ par an, nous préparons les mêmes lanceurs avec 20
millions d’euros … il faut selon M. Auque impérativement lancer des
développements technologiques pour pouvoir même maintenir les
compétences adéquates à toutes politiques spatiales européennes ! Selon
lui, il faut aussi que l’Europe mette en œuvre une véritable politique
d’exploration spatiale. Il faut savoir si l’on veut ou pas que l’Europe
ait la capacité de mettre l’Homme dans l’Espace par ses propres moyens.
C’est ici selon M. Auque la différence entre la seconde et la première
division … Il insista lourdement pour expliquer que c’était en Europe
un thème tabou mais un réel sujet qui méritait une très sérieuse
réflexion ! Nous saluons ici les positions constructives de M. Auque
sur ce sujet. (D’autant qu’il cita les différents atouts spatiaux que
nous avons déjà : Ariane V et l’ATV, plus toutes les études
préparatoires). Il finit son discours à la conférence ‘’Vers une nouvelle Europe spatiale’’
de la Fondation Robert Schuman par dire que l’avenir de l’Europe
spatiale incluait des choix de société : Les grandes civilisations
s’effaçaient toujours à un moment et passaient la main à d’autres
naissantes. M. Auque termina avec ces mots : ‘’je n’ai pas envie de passer la main !’’.
M. Plattard dans les questions à M. Auque insista sur le fait que le
but était finalement de passer à la vitesse supérieure et M. Busquin
fit remarquer qu’il fallait trouver une solution pour ce sujet
fondamental pour l’avenir de l’Europe. En effet 8% du budget européen
est consacré aux politiques dites d’avenir contre 44% à la
vieillissante et controversée PAC (faut-il passer à 25% pour les
politiques d’avenir comme le rapport Sapir le laisse entendre ?).
Outre
ces propos exemplaires de M. Auque, que nous saluons encore, la
politique européenne prit un sens particulièrement paradoxal ces
derniers mois. Alors que le Non français sonna le glas de la
Constitution Européenne, l’arrivée de M. de Villepin au gouvernement
français ne changea pas grand-chose à la situation politique dramatique
de l’Europe cet été 2005. Le vote du budget européen pour le prochain
échéancier tourna court et l’arrivée des Anglais en juillet à la tête
de la présidence européenne ne fit qu’envenimer une situation de crise
remarquée par tous les commentateurs politiques européens. M. Busquin
lors de la Conférence Robert Schuman fit remarquer le manque d’ambition
dans les attributions du budget européen. Nous pourrions aussi
souligner le manque d’ambitions de la France à vouloir conserver à tous
prix ses avantages acquis sur de vieilles politiques agricoles et à ne
pas investir assez dans l’Europe de l’innovation. Des solutions
politiques sont à trouver très rapidement. De réelles et nouvelles
tendances politiques et économiques sont à attendre de la part de
l’Union européenne afin de placer cette dernière dans une perspective
stratégique. Nous croyons que l’Europe se doit d’être à l’avant-garde
de nos ambitions politiques, stratégiques et économiques, au-delà même
des politiques nationales. Dans ce cadre, une politique spatiale
habitée indépendante et ambitieuse doit être un vecteur de relance au
profit même de l’Union européenne.
Alors même que la situation
politique européenne ne faisait qu’empirer ces derniers mois, le second
conseil espace de l’Europe s’est réuni à Luxembourg le 7 juin 2005 à la
suite de la parution des éléments préliminaires (fruit de la commission
commune ESA-UE) qui nous ont servi à rédiger cet édito. Très classique
dans ses résolutions, le conseil espace de l’Europe était censé
élaborer la base d’une politique spatiale européenne plus ambitieuse.
Le but étant de développer des systèmes spatiaux pour répondre aux
besoins des utilisateurs. L’Union devrait identifier ces besoins et les
accompagner d’une volonté politique (cf. Air et Cosmos n°1987 pages
144-145 pour plus de détails). Connaissant le credo de la Commission
depuis quelques mois, nous nous permettons de donner là aussi notre
avis sur ces éléments préparatoires et d’en justifier les choix. Outre
la critique que nous pourrions adresser à la volonté politique de
rendre l’espace rentable, nous pensons qu’il faudrait reclasser les
priorités édictées par le ‘’Conseil Espace’’. En réalité il
faudrait remonter et ajouter deux principales priorités à celles déjà
citées par le rapport de la Commission Européenne (qui nous le
rappelons brièvement sont : Galileo, GMES, technologies de
communication – l’exploration robotique et humaine venant en toute fin
– page 9 du rapport sec 2005, 664). Ainsi nous rajouterions et
rehausserions les priorités suivantes: - 1 - un programme spatial
habité autonome conduit par l’ESA et aux profit (et grâce aux soutiens)
des agences nationales ; - 2 - Une Vision future de l’innovation
spatiale qui se traduirait par des programmes technologiques,
scientifiques ou de recherches innovants qui soutiendraient toutes les
autres priorités de l’Union européenne (énoncées par la suite). Ces
deux priorités que nous rajouterions, permettraient de donner une
nouvelle dimension à la politique spatiale européenne et d’inscrire
cette dernière dans cette fameuse perspective ‘’gagnante’’ et
stratégique propre au 21ème siècle ! Mais vous comprenez bien que des
choix politiques plus généraux s’imposent dès lors et pourraient
concerner d’autres politiques sectorielles de l’Europe. Faut il encore
investir dans l’agriculture ? Faut il investir plus que 8% dans les
politiques d’innovations européennes ? Il faudra aussi répondre à ces
questions d’ordre plus général. La compétitivité ne peut pas être, en
elle-même, une priorité finie et absolue de la politique européenne !
La compétitivité s’acquiert grâce à des investissements intelligents
qui déclenchent un phénomène de retour qui nous rend alors, plus
compétitifs. En matière d’innovation technologique, la compétitivité ne
s’acquiert pas en un coup de baguette magique ! Ainsi l’UE pour sa
propre survie face aux prochains géants économique mondiaux devrait
être guidée, en matière de politique spatiale, par le rêve, la
stratégie, et l’économie.
Expliquons-nous un instant : L’Europe
ne fait plus rêver : c’est le constat que l’on peut dresser au
lendemain du 29 mai - Alors que l’Europe investisse là où le rêve
subsiste : l’espace ! Il suffit encore de voir le nombre de connexions
sur les sites web de la NASA ou de l’ESA alors que STS est en mission !
Les chaînes TV d’info en continu ont toutes faites des directs pour le
décollage et l’atterrissage dramatique de STS 114. Alors imaginons cela
à l’échelle européenne ! Le jour où l’Europe, par ses propres moyens,
enverra un Homme dans l’espace, une dimension supranationale et une
prise de conscience européenne naîtront véritablement dans nos cœurs
d’européens (unis derrière un projet plus grand que nos simples
désaccords politiques).
Il nous faut aussi être conscient que
l’espace concerne des domaines stratégiques qu’ils soient civils ou
militaires. La compréhension de l’utilisation massive des systèmes
spatiaux dans le cadre d’une stratégie européenne plus globale devra
être acquise ces prochaines années. Ici se situe aussi l’espace au
service des citoyens qui ne peut être une priorité en soit, mais le
fruit d’un ensemble de politiques spatiales européennes.
Enfin
il faut remarquer, et nous ne le répéterons jamais assez, que l’espace
est un formidable levier économique, tout comme l’innovation
technologique et la R&D en générale. Le développement des activités
spatiales européennes et particulièrement les vols habités sont un but
qui doit nous pousser à être plus ambitieux, c’est aussi un formidable
investissement illimité qui nous créera de nouveaux potentiels
d’activités pour l’Europe et nous ouvrira par conséquent de nouvelles
sphères économiques plus larges. Ce dernier point est fondamental dans
la dictée d’une politique spatiale européenne novatrice – les vols
habités concentrent alors tous ces avantages.
Il faudra savoir
tirer les leçons du 29 mai et de ses conséquences en Europe. L’Europe
ne fait plus rêver, elle est désormais représenter comme une machine
bureaucratique abstraite et ultralibérale qui n’a comme but unique de
vouloir supprimer des emplois au profit de quelques marchands
bruxellois ... C’est une caricature horrible mais si communément
acceptée, notamment par la Jeunesse, qu’elle influa le vote du
referendum du 29 mai. L’Europe doit désormais montrer autres choses que
des rapports, ses budgets, ses chiffres, des administrateurs, ou des
bureaux à Bruxelles. La dimension utopique du rêve européen doit être
ravivée grâce à des projets communs ambitieux qui nous inscriront
d’emblée dans le siècle suivant. Les vols habités peuvent être un de
ces projets porteur d’avenir et d’ambition. Au delà même de l’intérêt
des vols habités, la composante spatiale européenne induite inscrira,
au premier plan, notre continent dans le nouveau jeu économique
mondial. Nous avons envie de croire en une Europe où le rêve commun de
bâtir un projet à l’échelle de notre continent est plus fort que de
vieilles querelles sur telles ou telles politiques ou taux d’inflation…
Si le déficit de communication de l’Union Européenne a comme le
résultat indirect le 29 mai, autant que l’UE investisse dans des
projets porteurs des valeurs communes de l’Union et que ces projets
concrets servent véritablement de ‘’budgets communications’’ à
l’encontre des citoyens européens. Il faut faire comprendre à nos
concitoyens que des enjeux plus hauts, plus stratégiques, plus
économiques se définissent aussi à travers une politique spatiale
européenne plus ambitieuse : cette prise de conscience et ces
explications politiciennes doivent être faites au plus vite. Le monde
de demain sera fait de multiples défis tous plus technologiques et
scientifiques les uns les autres. L’Europe est en passe d’être reléguer
comme puissance d’arrière garde, notre niveau de vie nous assurant un
semblant de pouvoir virtuel. Un bon stratège choisit son champ de
bataille, et son plan d’attaque. Les temps sont désormais plus durs.
L’Europe doit choisir : investir là ou personne n’ose véritablement
aller et en tirer toutes les richesses en exploitant ses ressources.
Une politique spatiale habitée plus ambitieuse nous assurera cet avenir
tout en drainant nombres de richesses scientifiques, technologiques et
stratégiques pour assurer à nos concitoyens le confort voulu. Nous
comprenons bien que les budgets ne sont pas illimités mais ‘l’Homme Politique’
doit désormais faire des choix – la responsabilité des dirigeants de
nos pays doivent les pousser à assumer notre avenir. La force de la
volonté politique tient à ces choix judicieux pour tous. Là encore
c’est un problème hautement politique. Que voulons nous faire de
l’Europe ? Que voulons nous pour nos concitoyens ? La NSS France a
tranché sur ce point : nous souhaitons plus d’ambitions pour l’ESA,
plus de rêves pour nos concitoyens, plus de politique pour l’Europe et
surtout, plus d’activités pour notre continent ! Nous aussi nous ne
voulons pas passer la main … ! Cette nouvelle dimension des politiques
européennes doit être réévaluée et prise en compte par la nouvelle
génération d’hommes politiques à venir. L’espace utile ne le sera que
s’il englobe complètement le secteur d’activité en question ! Il ne
sera pas utile si on le déclare comme tel, il le sera car il aura été
travaillé développé, poussé, promu, voir même politisé ! La dimension
citoyenne de l’espace inclura le rêve des vols habités, mais aussi
l’ambition technologique, la santé économique, le défi stratégique
militaire, ou les services rendus par les applications spatiales.
Seules les applications ne peuvent rien…démunies, elles sont trop terre
à terre et ne sont pas porteurs d’un quelconque rêve européen. Un
satellite Galileo ne fera jamais rêver … La communication politique
impose une nouvelle dimension aux différentes politiques sectorielles
européennes : les vols habités sont une des solutions majeures pour
résoudre la problématique d’innovation européenne qui consiste à se
renouveler, à aller plus loin et à donner une nouvelle dimension à
l’Europe que nous avons rêvée depuis 50 ans.
Nicolas Turcat Président de la NSS France.
NSSFRANCE @ 12:10 |
STS 114 ... Bientot de retour sur Terre !

NSSFRANCE @ 20:41 |
La National Space Society France AWARDISEE !!!
Notre association NSS France a reçu un Prix de la part de la NSS pour son action envers le public français! Arthur Smith (Vice-président des chapters NSS) nous a remit le prix lors du dîner du vendredi 20 Mai au Sheraton National de Pentagon City près de Washington DC. Le prix en question est celui du mérite spécial pour l’éducation en 2005 intitulé : Special Merit Award for Education 2005. Arthur Smith et le Board des directeurs nous remercient donc pour notre action d’écriture (la somme de nos écrits et points de vue) et de mise en perspective des dernières actualités internationales en matière de développement spatial particulièrement à propos de l’Europe.
Félicitations à tous !

Voici à quoi ressemble un Award NSS !
Et nous voici en train de recevoir cet Award à Washington DC :


NSSFRANCE @ 01:13 |
JE VOTE ‘’OUI’’ POUR LE MONDE DE DEMAIN.

Ce n’est pas ici en tant que Président de la NSS France, que je m’exprimerai mais plutôt comme un simple étudiant de 25 ans, optimiste, déterminé, innovant et libéré de toute idéologie. Concernant le débat européen en jeu depuis plusieurs semaines, j’ai souhaité apporter ma contribution afin de mieux faire comprendre les enjeux politiques en amont du simple secteur spatial habité. Si un grand programme spatial habité européen est essentiel dans la compréhension d’une Europe visionnaire, il ne faut pas restreindre le grand débat politique de notre continent à notre simple ambition. Je voterai oui le 29 mai à la question posée par mon gouvernement et voici les raisons qui me poussent à faire ce geste politique.
D’un point de vue historique, l’Europe qui nous est proposée aujourd’hui est une véritable exception. Pour avoir étudier l’histoire européenne et plus particulièrement l’histoire des idées politiques européennes, la ligne de l’Histoire continue de se dessiner dans le sens croissant et étagée de la construction européenne. Oui, le traité constitutionnel va dans le sens de la construction européenne depuis un peu moins de 50 ans, il permettra même de faire passer un cap symboliquement politique à l’Europe au cours de la prochaine décade. La paix que nous vivons, parfois indolemment, depuis 1945 nous a permis de bâtir un mode de vie exemplaire et fondée sur un humanisme égalitaire jamais égalé jusqu’à présent. Les blocs mondiaux émergents depuis les années 1990 se font de plus en plus puissants et de plus en plus concurrents entre eux. Il nous faut là aussi répondre en priorité par des actions politiques et stratégiques fortes comme ce projet de constitution peut le faire qui par son extrême complexité nécessaire, sa typicité politique et historique (jamais des peuples ne s’étaient unis de cette façon depuis des siècle et de façon aussi démocratique), et son unicité européenne sont exemplaires.
L’économie mondialisée depuis les années 1860 avec les premiers traités commerciaux nécessaires lors de l’interphase de croissance entre les deux révolutions industrielles, est tout aussi présente, et c’est tant mieux. L’Europe ne peut plus espérer compter sur son économie traditionnelle pour assurer sa pérennité économique. Il faudra innover, investir dans de nouvelles voies, financer, prêter, rentabiliser des techniques que nul autre ne maîtrisera et qui nous libéreront du cercle vicieux de la stagnation économique ou de la décroissance lente dans lesquels nous risquons de nous enfoncer. Oui, l’économie libérale, ici réaffirmée, est maîtresse en Europe occidentale depuis plus d’un siècle et a permis de fonder une bonne part du succès des 30 glorieuses, c’est une fierté. Oui, il faudra modérer, interagir, et surtout réguler cette économie comme cela a déjà été fait et comme cela devra être fait afin de pérenniser un système qui a réussi pour le rendre encore plus performant. Oui, les sacrifices encourus seront terribles, les reconversions seront pléthores et parfois forcés mais le virage devra être anticipé politiquement et seuls des instruments adéquats nous rendrons cette tache plus aisée. Or le traité constitutionnel nous rend cette tâche plus facile que ce soit avec l’affermissement des coopérations renforcées et la possibilité pour certains pays d’aller de l’avant plus vite que d’autres, que ce soit avec la définition vague, et par conséquent versatile, d’une politique spatiale européenne, ou des efforts conséquents qui doivent être faits pour la R&D ou la recherche fondamentale. Ceci ne sont que quelques exemples d’arguments qui me poussent à voter oui, mais aussi une prise de conscience plus globale doit être aussi effectuée d’un point de vue sociétal.
L’identité européenne, réaffirmée dans la partie 1 ou dans la charte des droits fondamentaux, passe forcement par des étapes et une construction lente, imparfaite mais dans un sens croissant. La prise de conscience réelle et concrète d’une identité politique européenne me pousse aussi à dire oui à ce traité constitutionnel pour notre futur. Enfin nous pourrions insister sur la prise de conscience d’une communauté de destins à élaborer. Renoncer à cette constitution, nous fait aussi abandonner cette croyance optimiste et foncièrement humaniste qui est de croire que nous bâtissons pour nous assurer un avenir meilleur. Finalement, voter non, c’est être assez conservateur ou réactionnaire pour s’imaginer entretenir des avantages acquis ou un monde qui n’existe déjà plus : le maintien de compétences déjà dépassées qui s’effiloche tous les jours aux contacts du monde réel. Le vote du oui est fondé sur un socle référent commun qui va de la déclaration des droits fondamentaux aux politiques sectorielles désormais acquises comme outil politique futur. Les tenants progressistes du oui croient fortement en la vertu politique au sens noble du terme. Changer les choses, comme jamais, est possible. Je vote oui, parce que je pense que je pourrai un jour apporter un sens neuf à la construction européenne grâce à l’instrument politique disponible. Ne pas croire en l’art politique consisterai à voter non : une logique si proche du ‘’tous pourris’’ de Boulanger ! Voter non, c’est ainsi assurer la défense d’une société qui implosera bien vite en faisant fi de toute logique politicienne ou pis d’appréhensions politiques pour le futur. Je pense aussi que voter non, c’est avant tout regarder constamment en arrière en se souvenant, avec un tragique délice, d’un monde disparu se reflétant dans les mirages politiciens des ‘’nonistes’’. Politiquement, voter non, c’est aussi désespérer en la capacité à interagir avec ses concitoyens pour ne réussir qu’à s’enfermer dans des valeurs dorénavant vieillottes, démagogiques et fondamentalement chimériques. Il suffit pour cela de voir les différentes composantes politiques du camp du non pour finalement comprendre que les projets politiques proposés (au delà des critiques faites au traité constitutionnel) sont finalement soit rétrogrades, conservateurs, ou irréalistes, voir dangereux.
Il est évident que ce traité constitutionnel est loin d’être parfait et qu’il mérite encore de très nombreuses modifications et améliorations (notamment concernant les régulations économiques et financières) ; le rejeter constituerait à se priver d’une marche supplémentaire vers un étage supérieur en faisant croire qu’un ascenseur existe ! Le projet de Constitution n’est qu’une impulsion positive parmi un flot d’étapes qui nous mènera vers une meilleure Europe. Les tenants progressistes du oui devront, au lendemain du 29 mai, lutter pour que des améliorations soient faites dès l’entrée en vigueur du traité en 2009 – Je m’y engage très fermement.
Politiquement, le point fondamental à comprendre, avec le texte proposé, est son interprétation politique. Alors que toutes les Constitutions sont modérées par leurs applications réelles, les débats actuels interprètent déjà le sens du traité constitutionnel européen : et c’est une bonne chose. Il faudra interpréter politiquement les différents sens du traité ici à voter. Les écologistes y verront une interprétation propre, les pétroliers une autre, les banquiers de la finance internationale ou les tenants du progrès social une autre. Le défi proposé ici sera avant tout politique. C’est aussi un pari politique sur le futur de notre continent auquel il faut se plier et miser gros pour espérer ‘’engranger de gros gains’’. Il faudra imposer politiquement son idée ou la voir obérer à jamais par les affres du pouvoir. A 25 ans je ne peux que croire, en tout optimisme, en la primauté de nos idées et en sa compréhension par le monde intelligible. Le socle intermédiaire proposé par ce projet de Constitution Européenne devra être interprété, déformé, et traduit en la manière la plus politique possible. Loin d’être un simple constat (‘’est-ce que cette constitution me convient ?’’), la question posée ce 29 mai est surtout une interaction virulente avec le monde politique.
Alors qu’à l’article 254 du titre 3, il est réaffirmé au paragraphe 1 qu’ ’’Afin de favoriser le progrès scientifique et technique, la compétitivité industrielle et la mise en œuvre de ses politiques, L’Union élabore une politique spatiale européenne. A cette fin, elle peut promouvoir des initiatives communes, soutenir la recherche et le développement technologique et coordonner les efforts nécessaires pour l’exploration et l’utilisation de l’espace’’, l’interprétation politique de ce paragraphe est très vaste ! Il nous permet autant de ne faire qu’une politique scientifique réduite à des missions robotiques ou bien nous lancer dans de la R&D sérieuse au profit de l’industrie européenne dans un but d’exploration et d’utilisation de l’espace ! Le paragraphe 2 de ce même article 254 voit l’émergence d’un ‘’programme spatial européen’’ réaffirmée noir sur blanc – et c’est une première ! Rappelons que l’ESA n’est qu’une agence intergouvernementale, disposant de modalités européennes multilatérales mais sans primauté sur quoi que ce soit – un socle politique plus fort lui est désormais requis. Le paragraphe 3 de l’article 254 fait aussi de l’ESA l’agence exécutrice de ce programme spatial européenne. Et c’est tant mieux, puisque les compétences de demain sont à ce niveau. Ici donc encore, tout ou presque est faisable mais nous donne, à la différence désormais, un socle politique intermédiaire pour pousser le débat encore plus loin et faire progresser les politiques européennes dans le sens que l’on voudra. Il ne tiendra qu’à nous de rendre possible ces potentiels d’activités si fondamentaux pour l’Europe et que cette politique spatiale habitée autonome devienne un jour réalité. Finalement ce socle référent pour l’Europe politique nous ramène à nous poser une question fondamentale pour l’avenir de notre continent : Quelles ambitions avons-nous de l’Europe du XXIeme siècle ? La force du traité repose sur la partialité et la totalité de sa réponse : tout ou presque ! Il ne tient qu’à nous de faire quelque chose de ce traité. Il ne tient qu’à moi de m’engager pour une ‘’Europe puissance’’, pour une idée qui dépasse nos ambitions les plus folles. Si on peut reprocher au traité de ne pas aller assez loin dans les réformes politiques de l’Union (ce que je pense), on ne peut pas lui reprocher d’être une étape fondamentale pour avancer sur une route commune où de nombreuses améliorations seront à examiner. C’est justement la force politique de ce traité : une nouvelle base de travail.
Les améliorations aux bénéfices des 25 pays seront à apporter à ce traité. Personne ne le nie. Mais la compréhension de cette Constitution comme fondement nécessaire à d’ultérieures étapes est aussi très importante. Me concernant, nous pourrions réfléchir à des améliorations de l’article 254, mais la version actuelle ne suffit-il elle pas aux 14 membres de l’ESA ? Il ne tient qu’à nous de changer les choses dans les prochaines années, pour proposer un vrai programme spatial ambitieux pour l’Europe. Bien sûr, l’économie sociale, ou la soumission abusive à la BCE devront évoluer politiquement dans le bon sens pour pouvoir fournir à l’Europe des 25 des capacités encore plus efficaces de s’insérer dans le grand défi de l’Economie mondiale. Il n’y a pas de main invisible qui nous poussera dans tel ou tel sens, il n’y aura que nos idées, notre volonté, notre courage politique et notre vision en l’avenir en progrès qui nous permettront d’élever l’Europe vers de nouveaux défis. Au delà d’un simple jeu de questions-réponses (est-ce que ceci fait avancer cela ?), on croit ou pas en l’art politique ! On croit ou pas en l’Europe de demain. L’Europe n’est pas à l’image de la France et ne le sera peut-être jamais. Projeter le débat franco-français sur un débat qui nous dépasse de 390 millions de personnes est une tendance nihiliste. Néanmoins s’insérer dans cette Europe à 25, puis faire comprendre qu’un projet d’inspiration française peut être viable, constitue un défi plus fort que de rejeter un texte pour se retrouver sur un strapontin pendant X nouvelles années. La France se plaint déjà de ne pas entendre assez sa voix ? Il ne tient qu’à nous de changer cette donne et grâce à ce traité nous pourrions démontrer par une impulsion neuve que la France peut toujours être le fer de lance de l’Europe moderne et progressiste. A nous de proposer des projets innovants et suffisamment ambitieux pour l’Europe et de les faire avancer concrètement aux bénéfices des 25. Parce que je crois en ce changement possible, et que le débat sociétal d’aujourd’hui n‘a jamais été aussi exacerbé, je voterai oui afin de faire entrer l’Europe dans une logique d’avancées systémiques et idéologiques. Au delà des raisons que j’ai pu avancer ici, je vote oui aussi pour des raisons mécaniques. Je crois que ce traité nous poussera à nous dépasser et qu’il nous force (plus que le vote négationniste) à croire en un changement, dans la droite ligne historique de la construction européenne.
Etape par étape, notre continent s’est pacifié puis construit économiquement pour devenir une référence politique pour l’avenir. L’Union de notre continent est une réussite et parachève des siècles de relations internationales parfois houleuses, c’est un exemple à suivre pour le monde entier, c’est aussi un symbole pour toutes les autres puissances. Je suis européen, plus qu’avant et moins que demain et fière de l’être. L’Europe spatiale a besoin, nous l’avons suffisamment répété, de soutien politique fort et novateur : cela pourra désormais être fait. Même si la France d’en bas affronte, sans aucun doute, la France d’en haut ; les deux partis ont tant à s’apporter que nier une étape supplémentaire de la construction européenne au profit de … rien … est strictement apolitique et nihiliste. La connaissance, l’espoir politique, le progrès social opposent désormais les tenants du oui à ceux du non. C’est donc bien un choix de Société qui se profile au delà du 29 mai comme jamais. Laissons les tenants du Non se conforter entre Déroulède, Boulanger, les ligues, le grand soir, Marx ou des mouvements crypto révolutionnaires : tous ceux là n’appartiennent qu’au passé ! Le Monde des anciens contre celui de la génération des nouveaux : ‘’le monde de demain’’. Je suis un nouveau. Définitivement. Table rase du passé !
A nous de construire l’Europe que l’on désire et à laquelle nous adhérons. Assurément, tout repose sur nos épaules. Je ne me sens pas plus représenté par un parti politique que par un autre, j’assume ce fait et construis l’Europe à mon image : libre de tout corset politicard et rempli d’ambitions. Je suis aussi très conscient de l’urgence sociale réelle et profonde qui peut traverser notre pays, mais le rôle des décisionnaires n’est ni d’être démagogique ni de proposer des schémas politiques complètement mythiques. Ceux qui voudront se battre pour une Europe forte du progrès social, technique, économique et stratégique, rejoindront nos rangs pour croire en l’avenir et parier sur un véritable espoir. Avancer, est mon maître mot. L’art Politique reprend ses droits dans ce projet de Constitution qui emplit notre siècle de défis encore plus haut.
J’aime l’Europe comme jamais, je vote oui.
Comme disaient les autres : ‘’Tout n’est pas si facile’’ … ‘’Le Monde de demain quoi qu’il advienne nous appartient, la puissance est dans nos mains…’’
Oui, le 29 mai.
Nicolas Turcat
Accessoirement, Président de la National Space Society France et étudiant à La Sorbonne et bientôt à Sciences Po Paris. (Je m’exprime en mon nom propre et en aucun cas en celui de l’association).
Pour une opinion sur le non : Cf : nssfrance.com
NSSFRANCE @ 00:34 |
STS 114 retardé pour Juillet 2005 !
La nouvelle est tombée ce matin ... STS 114 ne décollera pas avant Juillet 2005 ! (lien yahoo.fr : ici)

Seule point positif : mon Support Wristband ''Return to Flight - STS 114'' sera d'autant plus longtemps d'actualité !!! Alors que je vous ai annoncé cet accessoire comme le ''truc'' à avoir pour ce printemps et même cet été : Vous aurez vraiment l'occasion de vous montrer avec et de revendiquer votre volonté de voir voler la navette en Juillet. NB: Juillet = Vacances en France, donc = Plage = Un Wristband plus visible !!!
PS : J'ai déjà reçu le mien depuis mardi 26 avril ! Et je vous garantis que ça fait parler les collègues ainsi que les filles ! mdr ! à vous de choisir !!!



Le lien pour l'acheter (12$ - frais de port inclus) : ici
NSSFRANCE @ 18:46 |
Bénéfices de l'espace !
Afin de mieux comprendre les interêts d'une politique spatiale plus ambitieuse pour l'Europe, nous pensons qu'il serait utile pour tous de faire un tour sur le site de l'ESA consacré aux ''bénéfices de l'espace'' : ici
De plus, signalons une conférence de l'IAA (International Academy of Astronautics) qui se tiendra à Graz (Autriche) du 22 au 26 mai 2005. Intitulée ''Benefits of Human Presence in Space - Historical, scientific, medical, cultural, and political aspects'', la conférence risque d'être des plus intéressantes, reunissant des spécialistes et mettant en perspective les politiques spatiale habitées avec les nouveaux contextes de 2005 (exploration, retombées scientifiques, ou encore Mars). Le lien est ici et le détail des sessions ici
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NSSFRANCE @ 18:30 |
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