Le rapport du CESE sur le Livre Blanc ou les prémices dune réaffirmation de la politique spatiale habitée européenne
Le 31 mars, un rapport du Conseil Economique et Social européen (CESE) est paru à propos du Livre Blanc de M. Busquin, lui-même intitulé espace : une nouvelle frontière européenne pour une Union en expansion. Plan daction pour la mise en uvre dune politique spatiale européenne. Le rapporteur de ce papier du CESE est M. Stéphane Buffeteau, co-signés par M. Roger Briesch et M. Patrick Venturini. Le rapport est en réalité un avis sur le Livre Blanc en y accentuant et critiquant certains aspects. Même si rien de très différent dans le fond ny transparaît, certains points méritent quon sy arrête.
Le rapport rappelle ainsi les buts hautement politiques du Livre blanc en mettant en valeur le fait que lespace est une politique horizontale particulièrement importante pour la concrétisation des perspectives économiques de lEurope. Il est aussi rappelé que les vols habités, ou la garantie dun accès indépendant à lespace sont dans le cadre du maintien et la réaffirmation des capacités scientifiques et technologiques européennes. On ne peut plus politique comme sujet que les capacités dun pays en matière de Science et de technologie principalement dans une optique dindépendance ! Le CESE commente donc le Livre Blanc de la façon suivante, en faisant de ce dernier un document politique, comme une avancée capitale, pour développer un secteur spatial européen indépendant. Il met aussi en avant laccord cadre entre lESA et la Commission qui nous font dire que les choses avancent dans le bon sens. Cet accord-cadre devra dans le futur permettre une meilleure synergie entre les milieux politiques européens et les milieux scientifiques propre à lESA. Le CESE souligne avec force que dans la mesure où lespace est considéré par nos partenaires comme un enjeu de pouvoir majeur, il sagit de développer une approche réaliste des intérêts européens. LEurope politique semble prendre conscience, enfin, de lintérêt majeur de sengager dans une politique spatiale stratégique et ambitieuse.
Notons larticle 4.4.2 du rapport : Le comité réaffirme donc que dans la mesure où la possibilité de disposer dun libre accès à lespace est indispensable à lautonomie de lEurope et que ceci ne peut-être obtenu par une approche commerciale, des fonds publics doivent être consacrés à maintenir cette liberté daccès dimportance stratégique majeure. Vous comprendrez par vous-même que nous ne pouvons quapplaudir ce genre de déclaration, surtout dans le cadre dun éventuel développement dAriane V.
Notons aussi larticle 4.4.4 du rapport : Au sujet des vols spatiaux, il convient de considérer avec attention une éventuelle refonte de la politique spatiale américaine en ce domaine.. Le rapport a semble-t-il été rédigé pendant lhiver de cette année, doù ses précautions aux sujets des américains. Le repositionnement de lEurope, et principalement de lESA face aux Etats-Unis est a étudié de près dans les prochains mois, que cela soit, la politique dexploration à venir ou les accords pour lISS.
Article 4.4.5 : Le CESE estime souhaitable de maintenir ce type daction pour des raisons qui tiennent dune part à la soif daventure et de découverte ancrée dans la nature humaine et dautre part au besoin de symboles propres à éveiller lintérêt et ladhésion des opinions publiques. Il convient dès lors de bâtir des programmes réalistes et qui ménagent intelligemment les intérêts européens tout en étant fondés sur une coopération mondiale. Cet article ne peut pas mieux décrire ce que la National Space Society France désire et pense ; Encore une fois un grand bravo à ces auteurs ! Des programmes réalistes : cest ce que nous réclamons avec un développement (capsule) dAriane V (souvenez-vous, larticle 4.4.2 et la liberté daccès stratégique !) pour assurer les vols habités, et lintérêt et ladhésion des opinions publiques !. Nous vous avons pourtant réservé le meilleur pour la fin :
Larticle 4.4.6 : A cet égard, lidée dune station lunaire mériterait sans doute dêtre considérée avec sérieux en tenant le plus grand compte des intérêts propres de lEurope. BRAVO encore une fois ! A croire que lInitiative Spatiale Européenne a fait des émules enfin dans un papier de la Commission Européenne ; une vision technologie à long terme clairement affichée. Merci pour ce regain daudace et dambition ! Notons que M. Francis Rocard sur la chaîne câblée 13ème Rue (Canal Satellite ou TPS) dans une émission de José Bougarel, le 15 mai 2004 se déclarait favorable au développement dune base lunaire comme laboratoire technique (avec une équipage international) dans un futur proche. Lastrophysicien M. Brahic, présent et interviewé parlait même de colonisation à long terme. Loptimisme et lidée de développement des activités humaines dans lespace semblent donc faire son chemin en Europe.
Saluons dans le même temps la proposition de créer un poste de Monsieur ou Madame Espace à la Commission ou même dun commissaire dédié à la politique spatiale dans son ensemble ; Tout comme le fait de rattacher un organe décisionnel de synthèse pour les décisions spatiales européennes à un haut niveau hiérarchique c'est-à-dire au niveau de la présidence de lUnion. Il est clairement démontré que les personnes ayant rédigé ce rapport sont convaincues de lenjeu sociétal, économique, stratégique scientifique et technologique dune politique spatiale européenne. Enfin trois scénarios sont proposés, intitulés A, B, et C : Le scénario C dit linéaire ne garantit pas la pleine indépendance pour les technologies et laccès à lespace, le scénario B dit acte politique marque une volonté de nouveau départ pour lespace dans lUnion européenne, et le scénario A dit ambitieux nécessite une volonté politique affirmée et une croissance économique forte autorisant un effort budgétaire soutenu. Nous soutenons, tout comme le CESE (4.7.2), que le scénario de travail envisagé doit être le B mais sapproché au plus près du A. Cependant rappelons que les conditions économiques ne doivent être des facteurs bloquants au scénario A. En effet le but dune politique spatiale ambitieuse est de donner un souffle dinnovation et de vigueur sur léconomie qui la supporte. Et non linverse ! Parce que nous subissons un ralentissement économique évident, ce que nous observons tous les jours, il faut investir dans une politique spatiale européenne ou dans le scénario A du CESE ! Souvenons-nous que la justification des vols habités (et de lidée deSpacefaring Civilization) tient aussi au fait que ces derniers permettent de créer de nouveaux potentiels dactivités ! Notamment industriels, économiques ou technologiques ! Leffort consenti lors de laccomplissement du scénario A dans le domaine de Recherche et Développement rejaillira sur tout le reste de lindustrie européenne.
Le rapport a donc le mérite de mettre en avant le problème politique inhérent à la Commission et à lespace en général, en sessayant à lébauche de quelques pistes concrètes. Le Livre Blanc nous avait un peu déçu mais faisait progresser le problème de façon conséquente en tentant notamment dinscrire lespace dans la Constitution ou en remettant au goût du jour une politique spatiale européenne au cur de la Commission. La réaffirmation des vols habités, dune station lunaire, ou dun moyen daccès à lorbite indépendant sont autant de signes avant-coureurs dune prise de conscience au niveau européen quune politique spatiale habitée est un projet porteur, innovant, stratégique et unificateur ! Laspect fédérateur dun programme spatial ambitieux comme les vols habités est fondamental dans la construction dune Europe à 25. Il est important de soutenir ce genre dinitiative surtout venant du plus haut niveau décisionnel. Nous allons dans le bon sens, encourageons les !
Nicolas Turcat
Président de la NSS France