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Europe 4 Space WebLog
16 mai 2004

Le rapport du CESE sur le Livre Blanc ou les prémices d’une réaffirmation de la politique spatiale habitée européenne

Le 31 mars, un rapport du Conseil Economique et Social européen (CESE) est paru à propos du Livre Blanc de M. Busquin, lui-même intitulé ‘’espace : une nouvelle frontière européenne pour une Union en expansion. Plan d’action pour la mise en œuvre d’une politique spatiale européenne’’. Le rapporteur de ce papier du CESE est M. Stéphane Buffeteau, co-signés par M. Roger Briesch et M. Patrick Venturini. Le rapport est en réalité un avis sur le Livre Blanc en y accentuant et critiquant certains aspects. Même si rien de très différent dans le fond n’y transparaît, certains points méritent qu’on s’y arrête.

Le rapport rappelle ainsi les buts hautement politiques du Livre blanc en mettant en valeur le fait que ‘’l’espace est une politique horizontale particulièrement importante pour la concrétisation des perspectives économiques de l’Europe’’. Il est aussi rappelé que les vols habités, ou la garantie d’un ‘’accès indépendant à l’espace sont dans le cadre du maintien et la réaffirmation des capacités scientifiques et technologiques européennes’’. On ne peut plus politique comme sujet que les capacités d’un pays en matière de Science et de technologie principalement dans une optique d’indépendance ! Le CESE commente donc le Livre Blanc de la façon suivante, en faisant de ce dernier un document politique, comme une ‘’avancée capitale, pour développer un secteur spatial européen indépendant’’. Il met aussi en avant l’accord cadre entre l’ESA et la Commission qui nous font dire que les choses avancent dans le bon sens. Cet accord-cadre devra dans le futur permettre une meilleure synergie entre les milieux politiques européens et les milieux scientifiques propre à l’ESA. Le CESE souligne ‘’avec force que dans la mesure où l’espace est considéré par nos partenaires comme un enjeu de pouvoir majeur, il s’agit de développer une approche réaliste des intérêts européens’’. L’Europe politique semble prendre conscience, enfin, de l’intérêt majeur de s’engager dans une politique spatiale stratégique et ambitieuse.

Notons l’article 4.4.2 du rapport : ‘’Le comité réaffirme donc que dans la mesure où la possibilité de disposer d’un libre accès à l’espace est indispensable à l’autonomie de l’Europe et que ceci ne peut-être obtenu par une approche commerciale, des fonds publics doivent être consacrés à maintenir cette liberté d’accès d’importance stratégique majeure’’. Vous comprendrez par vous-même que nous ne pouvons qu’applaudir ce genre de déclaration, surtout dans le cadre d’un éventuel développement d’Ariane V.

Notons aussi l’article 4.4.4 du rapport : ‘’Au sujet des vols spatiaux, il convient de considérer avec attention une éventuelle refonte de la politique spatiale américaine en ce domaine.’’. Le rapport a semble-t-il été rédigé pendant l’hiver de cette année, d’où ses précautions aux sujets des américains. Le repositionnement de l’Europe, et principalement de l’ESA face aux Etats-Unis est a étudié de près dans les prochains mois, que cela soit, la politique d’exploration à venir ou les accords pour l’ISS.

Article 4.4.5 : ‘’Le CESE estime souhaitable de maintenir ce type d’action pour des raisons qui tiennent d’une part à la soif d’aventure et de découverte ancrée dans la nature humaine et d’autre part au besoin de symboles propres à éveiller l’intérêt et l’adhésion des opinions publiques. Il convient dès lors de bâtir des programmes réalistes et qui ménagent intelligemment les intérêts européens tout en étant fondés sur une coopération mondiale.’’ Cet article ne peut pas mieux décrire ce que la National Space Society France désire et pense ; Encore une fois un grand bravo à ces auteurs ! ‘’Des programmes réalistes’’ : c’est ce que nous réclamons avec un développement (capsule) d’Ariane V (souvenez-vous, l’article 4.4.2 et la liberté d’accès stratégique !) pour assurer les vols habités, et ’’ l’intérêt et l’adhésion des opinions publiques !’’. Nous vous avons pourtant réservé le meilleur pour la fin :

L’article 4.4.6 : ‘’A cet égard, l’idée d’une station lunaire mériterait sans doute d’être considérée avec sérieux en tenant le plus grand compte des intérêts propres de l’Europe’’. BRAVO encore une fois ! A croire que l’Initiative Spatiale Européenne a fait des émules… enfin dans un papier de la Commission Européenne ; une vision technologie à long terme clairement affichée. Merci pour ce regain d’audace et d’ambition ! Notons que M. Francis Rocard sur la chaîne câblée 13ème Rue (Canal Satellite ou TPS) dans une émission de José Bougarel, le 15 mai 2004 se déclarait favorable au développement d’une base lunaire comme laboratoire technique (avec une équipage international) dans un futur proche. L’astrophysicien M. Brahic, présent et interviewé parlait même de colonisation à long terme. L’optimisme et l’idée de développement des activités humaines dans l’espace semblent donc faire son chemin en Europe.

Saluons dans le même temps la proposition de créer un poste de ‘’Monsieur ou Madame Espace’’ à la Commission ou même d’un commissaire dédié à la politique spatiale dans son ensemble ; Tout comme le fait de rattacher un organe décisionnel de synthèse pour les décisions spatiales européennes à un haut niveau hiérarchique c'est-à-dire au niveau de la présidence de l’Union. Il est clairement démontré que les personnes ayant rédigé ce rapport sont convaincues de l’enjeu sociétal, économique, stratégique scientifique et technologique d’une politique spatiale européenne. Enfin trois scénarios sont proposés, intitulés A, B, et C : Le scénario C dit linéaire ne ‘’garantit pas la pleine indépendance pour les technologies et l’accès à l’espace’’, le scénario B dit acte politique ‘’marque une volonté de nouveau départ pour l’espace dans l’Union européenne’’, et le scénario A dit ambitieux ‘’nécessite une volonté politique affirmée et une croissance économique forte autorisant un effort budgétaire soutenu’’. Nous soutenons, tout comme le CESE (4.7.2), que le scénario de travail envisagé doit être le B mais ‘’s’approché au plus près‘’ du A. Cependant rappelons que les conditions économiques ne doivent être des facteurs bloquants au scénario A. En effet le but d’une politique spatiale ambitieuse est de donner un souffle d’innovation et de vigueur sur l’économie qui la supporte. Et non l’inverse ! Parce que nous subissons un ralentissement économique évident, ce que nous observons tous les jours, il faut investir dans une politique spatiale européenne ou dans le scénario A du CESE ! Souvenons-nous que la justification des vols habités (et de l’idée deSpacefaring Civilization) tient aussi au fait que ces derniers permettent de créer de nouveaux potentiels d’activités ! Notamment industriels, économiques ou technologiques ! L’effort consenti lors de l’accomplissement du scénario A dans le domaine de Recherche et Développement rejaillira sur tout le reste de l’industrie européenne.

Le rapport a donc le mérite de mettre en avant le problème politique inhérent à la Commission et à l’espace en général, en s’essayant à l’ébauche de quelques pistes concrètes. Le Livre Blanc nous avait un peu déçu mais faisait progresser le problème de façon conséquente en tentant notamment d’inscrire l’espace dans la Constitution ou en remettant au goût du jour une politique spatiale européenne au cœur de la Commission. La réaffirmation des vols habités, d’une station lunaire, ou d’un moyen d’accès à l’orbite indépendant sont autant de signes avant-coureurs d’une prise de conscience au niveau européen qu’une politique spatiale habitée est un projet porteur, innovant, stratégique et unificateur ! L’aspect fédérateur d’un programme spatial ambitieux comme les vols habités est fondamental dans la construction d’une Europe à 25. Il est important de soutenir ce genre d’initiative surtout venant du plus haut niveau décisionnel. Nous allons dans le bon sens, encourageons les !

Nicolas Turcat
Président de la NSS France

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