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Europe 4 Space WebLog
1 mars 2005

Budget ESA 2005 / Où va l'Europe spatiale ?

Comme beaucoup, vous avez dû lire que le budget général de l'ESA est en hausse, passant de 2,698 milliards d'euro à 2,977 milliards d'euro. Heureuse nouvelle ! De presque 3 milliards d'euro, le budget 2005 fait la part belle à 4 priorités (cités en détail dans Air et Cosmos N°1968) : dans l'ordre d'importance : GMES, l'exploration, les programmes technologiques et les télécommunications. En décembre 2004, Aurora se trouvait financé à hauteur de 41,5 millions d'euro mais la priorité reste l'exploration robotique avec Smart-1, Mars Express ou Huygens ; les vols habités composant 17% du budget de cette année.

Pourtant, il ne faut pas se tromper, l'ESA se restreint et ce sera une année très difficile à tenir financièrement. D'autant plus que l'accentuation faite sur le programme applicatif GMES, large programme d'observation de la Terre (Global Monitoring for Environment and Security) ne va guère dans un sens très innovant. En effet, loin de drainer l'enthousiasme des foules, ni d'être un très grand potentiel d'activité pour l'industrie européenne, le ''levier'' GMES est bien faible face au déficit d'innovation de notre continent. Miser sur des technologies vieilles de 30 ans, ou, enfin, faire ce qui devait être fait ne constitue en aucun cas une politique prioritaire. GMES doit et devait être fait, le débat est clos pour ce qui nous concerne mais n'en faisons pas un enjeu européen majeur.

Les contraintes budgétaires à l'ESA sont telles, que cette année, l'agence fera l'économie de sa présence au salon du Bourget (le pavillon représenterait 30% du budget de communication de l'année !)…Nous reviendrons bientôt sur ce sujet, plus qu'inadmissible. Ne sachant donner de priorité claire, sans vision très définie, l'Europe spatiale risque de s'empêtrer dans une politique conjoncturelle dangereuse pour son avenir.

Le problème européen se situe au niveau de la problématisation du secteur spatial. En effet, que faire d'un lanceur surpuissant et soumis à un hypothétique retrait en 2009 ? Que faire d'EADS ST après la finalisation des programmes ATV, M51, Colombus, ou Ariane V 10 tonnes ? Que faire de toutes ces ambitions perdues au début des années 90s ? Et surtout que faire d'un secteur industriel florissant, si ce n'est le tourner vers le marché des applications faciles à développer ? Aussi, faut-il compter sur le manque de volonté politique à définir un projet cohérent et ambitieux. Rappelons qu'en Europe, aucune personnalité politique ne s'est prononcée en faveur d'un vaste plan d'exploration spatiale. Alors que le budget 2006 de la NASA, en discussion aux Etats-Unis, est recentré sur l'exploration (quitte à éliminer JIMO ou désorbiter Hubble), l'Europe ne sait pas où donner de la tête et tente de clarifier ses priorités selon les préférences sectorielles communautaires. Les contingences et les circonstances économiques font que l'ESA pilote ''à vue'' son budget 2005. Ce qui d'autant plus dangereux que les choix stratégiques et programmatiques sont faits en dépit du bon sens. Alors que Soyouz à Kourou s'implante en Guyane, nous apprenons que ce lanceur pourrait devenir le remplaçant éventuel d'Ariane V ! La garantie d'accès indépendant à l'espace deviendrait alors un concept dépassé, sans parler des conséquences économiques et technologiques de la fin d'Arianespace. Nous apprenons le 19 janvier 2005 qu'un accord entre l'ESA et Roscosmos pourrait permettre de voir le jour à un vaste programme de coopération entre Russes et Européens à propos des lanceurs et particulièrement sur le FLPP. La position compliquée de la Russie dans cet accord (Des personnalités de la SNECMA choquées par l'attitude un peu trop ''commerciale'' des russes !) nous permet de nous opposer à cette nouvelle solution de facilité. Il n'y a jamais eu de coopération du fort au faible, or la Russie, par son passé, son expérience technique et son palmarès risque d'imposer des choix incompatibles avec les ambitions et les intérêts de l'industrie spatiale européenne. Nous réaffirmons ici notre volonté de coopérer avec les Russes sur des domaines spécifiques dans le cadre d'une coopération innovante : le meilleur exemple étant Klipper. L'Europe aurait pu apporter ses nouvelles technologies à propos des lanceurs ainsi que les travaux suffisamment poussés concernant Hermès, les Russes auraient pu apporter leur savoir-faire quant aux vols habités et les véhicules réutilisables en général. Voici un bon exemple de coopération dite ''intelligente'' et innovante - Mais faire de la coopération à tout va pour essayer de pallier son manque de finances ou d'ingéniosité en pillant chez les autres ce qu'ils savent faire de mieux, laissez-moi me gausser en écoutant M. Serris….

Klipper Mockup Dec. 2004

Le débat tourne court assez rapidement en raison d'un manque évident de politique générale en faveur de l'espace. L'économie de la connaissance prônée à Lisbonne en 2001 a du plomb dans l'aile justement du fait que ces ambitions n'aient pas assez été promues et soutenues politiquement. La politique consiste justement à promouvoir une vision de la société et faire de notre continent, une terre d'avenir. Si l'on comprend une politique spatiale globale guidée par les vols habités et l'exploration humaine du système solaire, comme un levier économique, politique ou social fort, l'intérêt d'une telle volonté apparaît plus clairement. L'Europe doit s'engager par étape dans cette voie en insistant que ce soit avant tout pour son propre intérêt qu'elle agit là.

Nicolas Turcat, Président de la NSS France.

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