Dune certaine réalité financière à une volonté politique !
Certaines réalités financières sont bien concrètes et la National Space Society France en est tout à fait consciente. Nous ne pouvons pas cependant nous arrêter à cette étape. Trop de personnes pensent quun état de faits existe et que ce dernier est immuable. Le débat récent rencontré pour Soyouz à Kourou est exemplaire sur ce point. Même si lESA nenvisage pas officiellement faire du Soyouz un véhicule habité, le vrai problème semble être financier. En effet, il a été avancé dans ces discussions que le choix de Soyouz pour les vols habités serait guidé par une politique budgétaire de rigueur ! Il ny a pas dargent pour faire une Ariane V man-rated. Il serait illusoire de vouloir envisager un projet comme ce dernier qui pourrait se chiffrer entre 6 à 9 milliards deuros alors que le développement, éventuel, dun Soyouz habité coûterait au moins dix fois moins cher ! Le choix est donc fait, non pas dun point de vue technique mais dun point de vue budgétaire et financier. Il ny a pas de volonté politique pour le faire.<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" />
La volonté semble donc bien être le problème qui nous tue depuis 15 ans, en Europe. Des contraintes budgétaires qui sont intiment liées à la volonté de chaque décideur au sein des agences et gouvernements. La volonté et lambition de voir lEurope se doter dun lanceur indépendant se sont trop souvent transformées en dogmes financiers bloquant tous projets qui risquent de coûter ! Ceci nest pas démocratique, a contrario de ce qui a été avancé ! Il serait donc anti-démocratique de proposer une Ariane V habitée ! Que cela ne reflèterait pas lavis de la population qui préférerait voir voler plus souvent des Soyouz à Kourou (Qui dans notre pays est au courant de ce programme ? ;-) ou voir des initiatives comme X-Prize en France. Le populisme consiste à se réclamer du peuple et de ses aspirations profondes. On peut donc comprendre le fait de défendre une Ariane V habitée comme une preuve délitisme démesurée complètement déconnectée de la réalité et des aspirations de la population.
Un Homme politique reflète, certes, la population mais se doit, surtout, dapporter un projet porteur davenir pour sa Société. Or, dire que nous faisons Soyouz à Kourou car cest ce quattend le public, cette affirmation est aussi populiste que de dire quil faille stopper les impôts car 70 % de la population trouvent que ces derniers ne servent à rien ! Gouverner à laide de relevés dopinions nous rappellent tellement le sombre résultat dun certain dimanche 21 avril 2002. Il serait plus juste de dire que les priorités des gouvernements ne sont pas de mettre 8 milliards deuros sur la table afin de pouvoir qualifier en vol habité notre lanceur. Tout comme il ne semble pas dans nos priorités de financer correctement la Recherche ou lArmée de façon suffisamment innovante
Mais revenons à un débat strictement politique et plus seulement dun point de vues de spécialistes qui se chamaillent pour savoir si tel ou tel programme est envisageable. Nous sommes pourtant conscients que toutes les solutions avancées (dans les 15 propositions ou ailleurs) sont réalisables, il ny pas de barrières technologiques nous empêchant daller plus loin
Tout comme Hermès dans les années 80s fut sûrement bloqué, en partie, par les choix pris sur les développements techniques dAriane V Hermès ne semblait donc pas chimérique, cétait, là encore, une question de volonté : il fallait alors développer une Ariane V avec des coûts minima et miser sur une fusée plus commerciale quhabitée. Remarquons que les projets de corps portant ou davion spatial sont toujours à létude de nos jours (aux USA OSP ou CEV, ainsi quau sein même de lESA Cf. Air et Cosmos N°1922). Dans un autre registre ; Il fut une époque ou nous avons fait des choix coûteux pour acquérir une force de frappe nucléaire. Il sagit aujourdhui de faire les même choix pour lEspace. Lorsque nous consommons quasiment 10 % du budget de la Défense dans une force de dissuasion qui est très discutée à lheure actuelle au sein même de lArmée. Cela représente des milliards deuros, mais un choix est fait ; il y a la volonté par le pouvoir politique dentretenir cet arsenal. La même volonté devrait exister pour le vol habité et ainsi que pour des projets européens porteurs davenir.
Le but même de lHomme Politique nest donc pas de satisfaire la masse de la population mais de proposer des projets concrets et suffisamment ambitieux à nos concitoyens pour que lon puisse croire en cette personne. Nous nélisons pas un personnage car il a flatté nos quelques intérêts locaux mais parce que nous croyions profondément que ce dernier changera les choses ou que son programme en vaut la peine. LHomme Politique se doit dêtre le reflet du peuple mais est, avant tout, assigné au service du peuple souverain pour accomplir une mission pour laquelle nous lavons élu. Il sagit donc de définir le meilleur projet pour lEurope spatiale. Mais nous entendons déjà les voix dissonantes nous rappeler quil ny pas dEurope politique : nous rétorquerons : à nous de la construire autour de projets ambitieux !! LEurope sest bâtie par étape grâce à des projets concrets, économiques ou pas, comme la CECA, la mort-née CED, Euratom ou plus tard à travers Concorde, Arianespace, Airbus ou Galileo bientôt (certes commerciales mais avant tout aussi volonté des gouvernants). A nous de nous battre pour que lEurope continue sur ce chemin de plus en plus politique. Il est évident que lEspace habité passera par la volonté de la communauté européenne de se construire un avenir tourné vers les étoiles. Lunification de lEurope se fera sûrement grâce à des projets politiques et économiques concrets nés sur notre continent et exécutés par nos propres soins : Une Initiative Spatiale Européenne pourrait être un de ces projets. Il est dautant moins démocratique de proposer Soyouz à Kourou pour le vol habité que ce projet remet en cause les raisons profondes daccomplir une politique spatiale ambitieuse.
Le problème est éternellement le même : pourquoi voler dans lespace ? Quel intérêt y a-t-il, en plus de constater que nous avons une planète bleue et que nous sommes si fragiles ? Il sagit de se créer des nouveaux potentiels dactivités, et ouvrir notre sphère économique à de nouveaux horizons. Les retombées politiques, stratégiques, sociétales, scientifiques, industrielles ou autres seront grandes. Nous ne pouvons nier que les retours sur investissements requièrent du temps et surtout un certain courage politique pour soutenir ce genre de politique. La volonté de bâtir une Europe plus forte doit prévaloir dans les discussions actuelles. Or Soyouz à Kourou en configuration habitée nest pas synonyme dune volonté politique pour bâtir une Europe spatiale ambitieuse. Cest une solution dappoint limitative et profondément injuste pour lavenir des vols habités en Europe (ainsi que pour les industries aérospatiales de notre continent). Il nest pas naïf de penser que nous pouvons faire plus avec des budgets plus ouverts. Rien nest définit ; cest faire preuve de son attachement aux dogmes dune économie parfois trop entropique et de limmobilisme. Certaines personnes reconnaissent même à lESA avoir les mains liées par des budgets réduits de jour en jour. Il en est question tous les jours dans nos journaux : faut-il investir plus loin ou utiliser nos ressources financières pour consolider notre fragile économie. Dans Le Monde du samedi 21 février, le journaliste économique reconnu Laurent Mauduit écrivait à propos des choix des sociétés de télécoms : largent est de retour, (
) cette filière sapprêterait à dégager 140 milliards deuros de free cash flow des flux financiers disponibles ; selon lauteur plus de la moitié irait éponger les dettes du passé. Mais que va devenir lautre moitié ? Loin dêtre utilisée dans les investissements dans ce secteur (UMTS ou ADSL), ce qui permettrait de réorienter une croissance saine dans ce secteur. Cette somme servira sûrement à des consolidations artificielles cest à dire des mariages qui vont sûrement alimenter la spéculation mais qui sur le plan industriel nont pas une forte rationalité. De cet exemple il convient den tirer trois conséquences : premièrement quinvestir dans linnovation pourrait tirer une croissance plus saine pour un secteur précis. Deuxièmement quil existe de largent disponible dans un secteur qui se dit tous les jours de plus en plus restreint il suffit pour cela découter les commerciaux ou les forces de ventes des compagnies de télécoms pour les entendre se plaindre à longueur dannée. Il y a donc des flux financiers disponibles ! Enfin notons quil sagit dun choix et dune volonté décisionnelle dorienter largent là où il doit aller, il ny a pas de fatalisme financier. Il y a donc deux politiques possibles : lune créatrice de nouveaux potentiels dactivités pour ce secteur, lautre prédatrice qui ne fait que vivre au jour le jour. Laurent Mauduit finit son article par ce paragraphe que lon peut rapprocher, pour son exemplarité, au secteur spatial : Alors si la finance lemporte toujours sur lindustrie, si la spéculation prime éternellement sur linvestissement, si lEurope continue malheureusement de céder aux sirènes ultralibérales en démantelant méticuleusement tous les grands opérateurs constitutifs de ses anciens services publics et sans jamais ou trop rarement - parler de politique industrielle, on risque daboutir demain au même résultat quhier. Après livresse boursière, ce sera la gueule de bois.
Lexemple des télécoms ne peut pas être exactement comparé au secteur spatial et particulièrement concernant lespace habité (secteur très trop ? innovant), mais la logique économique, derrière ces processus, peut être mise en parallèle de façon symptomatique. Il sagit encore une fois de volonté : investir plus loin ou consolider sa fragile assise ? Enfin notons que transparaît aussi la problématique fondamentale pour une politique spatiale habitée : bâtir une politique industrielle pour lEurope !
Concernant une politique spatiale habitée ambitieuse, il sagit donc bien de volonté et de choix politique économique et politique fort. LEurope doit donc investir dans des projets concrets et suffisamment innovants pour quils fondent une politique industrielle qui puisse tirer léconomie en avant de façon conséquente. Ce nest plus seulement laffaire de tristes spécialistes dans des agences mais une question hautement économique mais surtout politique.