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Europe 4 Space WebLog
14 juillet 2004

Commission Aldridge

 

La commission Aldridge a rendu son rapport, il y a quelques semaines de cela. Essayons tout de même d’en tracer quelques commentaires notamment concernant la position de l’Europe face à la nouvelle politique de la NASA. Vous le savez déjà, la NASA a déjà commencé sa réorganisation lancée quelques jours après l’annonce par le Président Bush en Janvier 2004. Le rapport de la commission a marqué les esprits particulièrement à propos du recours à des entreprises privées pour les lancements commerciaux en orbite basse, voir, à long terme, pour tous les vols vers LEO, y compris les vols habités. La proposition de création d’un conseil de l’espace placé sous la tutelle de la présidence américaine est aussi des plus intéressantes. Concernant l’Europe, peu de chose en ressort, la coopération est réaffirmée et le modèle du JSF (actuellement refusé par les partenaires européens – industriels et institutionnels) est prôné comme système de coopération.

Outre le fait de commenter abusivement une actualité strictement américaine, le rapport Aldridge est audacieux et novateur dans ses conclusions. Je reste persuadé que si les américains transforment en réalité leur vision selon l’idée de la commission, les Etats-Unis prendront dix ans d’avance sur l’Europe. Il est fondamental en Europe de reconsidérer la place de l’entreprise innovatrice privée qui fournira un accès à l’orbite basse. La situation est bien entendu différente, et nous ne retournerons pas sur le débat du ‘’space private enterprise’’ et l’Europe que nous avions eu le 21 juin dernier. La NSS France pense, une fois de plus, que l’Europe doit s’engager dans un programme spatial autonome mais commun sur le long terme avec les USA (la Russie ou la Chine). Dans tous les cas, nous allons dans le même sens, quant à débattre des modalités de la coopération entre nos nations (cf. le symposium à Washington DC le 21 et 22 juin 2004), nous sommes encore loin de le faire concrètement, au regard de notre retard significatif dans le domaine. Il serait peut-être temps de s’organiser en interne (dans notre nouvelle Europe), pour bâtir une politique spatiale habitée à la mesure de notre ambition.

Notons tout de même que la Commission Aldridge a compris avant tout que le terme exploration signifiait : vols habités à long terme et que c’était désormais la perspective des Etats-Unis enfin affirmée par le plus haut niveau politique. L’exploration spatiale, première étape vers la colonisation de l’espace par l’Homme, devra être perçue comme une priorité nationale. L’Europe n’a toujours compris l’ampleur de l’enjeu. L’espace utilitaire est ‘’intéressant’’ pour l’Europe mais pas suffisant pour continuer à investir dans un secteur déjà déficitaire. Les américains ont assimilé que s’engager dans l’utilitarisme à tout crin, c’est aussi s’engager dans un marécage dans lequel nous trempons depuis plus de vingt ans. La notion d’espace utilitaire est nécessaire à la construction quotidienne de l’Europe mais certainement pas suffisante pour bâtir une politique sur le long terme. Le meilleur exemple de ce constat se situe dans l’Air et Cosmos N°1943 du 2 Juillet 2004 avec l’article de Christian Lardier sur le bilan d’EADS Space Transportation. Les trois grands programmes d’EADS ST : Ariane V/ESC-A, ATV et le missile M51 arrivent en phase de production à la mi-2005, selon le Hervé Guillou – CEO- ‘’c’est la première fois que cela arrive (…) nous devons privilégier le rééquilibrage avec de nouveaux développements pour maintenir les compétences essentielles et assurer l’avenir commun, civil et militaire’’… Notons qu’à propos de ces nouveaux développements, rien n’est avancé dans l’article et selon Hervé Guillou, il s’agit de voir quelle sera l’ambition européenne pour l’exploration spatiale… J’ai bien peur que ce ne soit : Attendons, laissons faire et quelque chose, forcément, se décantera de ces discussions entre agences mais ne prenons surtout pas des initiatives ! Nous espérons, dans tous les cas, qu’EADS ST fasse pression tous les jours pour qu’un ambitieux programme spatial d’exploration européen soit lancé ! Bien paradoxale situation en Europe, où les politiques nationales autrefois si fougueuses, sont désormais si réservées concernant le vol habité (CES Français et le rapport Pompidou, position du CNES, ou de la DLR), alors qu’au niveau européen commence à transparaître une prise de conscience de la nécessité d’une vision à long terme.

Les Etats-Unis à travers le rapport de la Commission Aldridge ont su se remettre en question depuis l’accident de Columbia et de l’annonce du Président Bush. Les américains ont pu depuis le début de l’année 2004 retravailler leur programme et leur idée de la politique spatiale. Un formidable questionnement et un grand esprit de remise en cause (il suffit de lire les ‘’hearings’’ de la commission pour s’en rendre compte) a été mis en vigueur et accoucha finalement d’un rapport novateur et suffisamment porteur d’avenir pour la politique spatiale US. Si l’on ne doit tirer qu’une leçon du rapport Aldridge, c’est bien la suivante : l’esprit guidant la commission, la remise en cause, puis le changement de direction de la politique spatiale américaine sont autant de forces qui devraient être indispensables en Europe. L’Europe a besoin d’une politique spatiale à long terme affirmée et débattue comme la décision du Président Bush l’a été aux USA. Tout n’est pas à prendre mais l’exemplarité du rapport tient à son audace et à sa justesse dans un contexte relativement serré.

Nicolas Turcat

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