Commission Aldridge
La commission Aldridge a rendu son rapport, il y a quelques semaines de cela. Essayons tout de même den tracer quelques commentaires notamment concernant la position de lEurope face à la nouvelle politique de la NASA. Vous le savez déjà, la NASA a déjà commencé sa réorganisation lancée quelques jours après lannonce par le Président Bush en Janvier 2004. Le rapport de la commission a marqué les esprits particulièrement à propos du recours à des entreprises privées pour les lancements commerciaux en orbite basse, voir, à long terme, pour tous les vols vers LEO, y compris les vols habités. La proposition de création dun conseil de lespace placé sous la tutelle de la présidence américaine est aussi des plus intéressantes. Concernant lEurope, peu de chose en ressort, la coopération est réaffirmée et le modèle du JSF (actuellement refusé par les partenaires européens industriels et institutionnels) est prôné comme système de coopération.
Outre le fait de commenter abusivement une actualité strictement américaine, le rapport Aldridge est audacieux et novateur dans ses conclusions. Je reste persuadé que si les américains transforment en réalité leur vision selon lidée de la commission, les Etats-Unis prendront dix ans davance sur lEurope. Il est fondamental en Europe de reconsidérer la place de lentreprise innovatrice privée qui fournira un accès à lorbite basse. La situation est bien entendu différente, et nous ne retournerons pas sur le débat du space private enterprise et lEurope que nous avions eu le 21 juin dernier. La NSS France pense, une fois de plus, que lEurope doit sengager dans un programme spatial autonome mais commun sur le long terme avec les USA (la Russie ou la Chine). Dans tous les cas, nous allons dans le même sens, quant à débattre des modalités de la coopération entre nos nations (cf. le symposium à Washington DC le 21 et 22 juin 2004), nous sommes encore loin de le faire concrètement, au regard de notre retard significatif dans le domaine. Il serait peut-être temps de sorganiser en interne (dans notre nouvelle Europe), pour bâtir une politique spatiale habitée à la mesure de notre ambition.
Notons tout de même que la Commission Aldridge a compris avant tout que le terme exploration signifiait : vols habités à long terme et que cétait désormais la perspective des Etats-Unis enfin affirmée par le plus haut niveau politique. Lexploration spatiale, première étape vers la colonisation de lespace par lHomme, devra être perçue comme une priorité nationale. LEurope na toujours compris lampleur de lenjeu. Lespace utilitaire est intéressant pour lEurope mais pas suffisant pour continuer à investir dans un secteur déjà déficitaire. Les américains ont assimilé que sengager dans lutilitarisme à tout crin, cest aussi sengager dans un marécage dans lequel nous trempons depuis plus de vingt ans. La notion despace utilitaire est nécessaire à la construction quotidienne de lEurope mais certainement pas suffisante pour bâtir une politique sur le long terme. Le meilleur exemple de ce constat se situe dans lAir et Cosmos N°1943 du 2 Juillet 2004 avec larticle de Christian Lardier sur le bilan dEADS Space Transportation. Les trois grands programmes dEADS ST : Ariane V/ESC-A, ATV et le missile M51 arrivent en phase de production à la mi-2005, selon le Hervé Guillou CEO- cest la première fois que cela arrive ( ) nous devons privilégier le rééquilibrage avec de nouveaux développements pour maintenir les compétences essentielles et assurer lavenir commun, civil et militaire Notons quà propos de ces nouveaux développements, rien nest avancé dans larticle et selon Hervé Guillou, il sagit de voir quelle sera lambition européenne pour lexploration spatiale Jai bien peur que ce ne soit : Attendons, laissons faire et quelque chose, forcément, se décantera de ces discussions entre agences mais ne prenons surtout pas des initiatives ! Nous espérons, dans tous les cas, quEADS ST fasse pression tous les jours pour quun ambitieux programme spatial dexploration européen soit lancé ! Bien paradoxale situation en Europe, où les politiques nationales autrefois si fougueuses, sont désormais si réservées concernant le vol habité (CES Français et le rapport Pompidou, position du CNES, ou de la DLR), alors quau niveau européen commence à transparaître une prise de conscience de la nécessité dune vision à long terme.
Les Etats-Unis à travers le rapport de la Commission Aldridge ont su se remettre en question depuis laccident de Columbia et de lannonce du Président Bush. Les américains ont pu depuis le début de lannée 2004 retravailler leur programme et leur idée de la politique spatiale. Un formidable questionnement et un grand esprit de remise en cause (il suffit de lire les hearings de la commission pour sen rendre compte) a été mis en vigueur et accoucha finalement dun rapport novateur et suffisamment porteur davenir pour la politique spatiale US. Si lon ne doit tirer quune leçon du rapport Aldridge, cest bien la suivante : lesprit guidant la commission, la remise en cause, puis le changement de direction de la politique spatiale américaine sont autant de forces qui devraient être indispensables en Europe. LEurope a besoin dune politique spatiale à long terme affirmée et débattue comme la décision du Président Bush la été aux USA. Tout nest pas à prendre mais lexemplarité du rapport tient à son audace et à sa justesse dans un contexte relativement serré.
Nicolas Turcat