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Europe 4 Space WebLog
17 juillet 2004

Réalisme et coopération spatiale

Le 21 Juin dernier, s’est tenu à Washington DC, organisé par John Logsdon, dans les locaux de la Elliott School of International Affairs à la George Washington University, un symposium sur la coopération internationale et l’exploration spatiale. Cette conférence de deux jours réunissait des personnalités comme John Marburger, conseiller de George Bush, Pete Aldridge, Christian Cabal du GPE, Jacques Blamont, Louis Friedman de la Planetary Society, Jack Metthey de la Commission Européenne, Daniel Sacotte de l’exploration spatiale à l’ESA, des capitaines d’industries spatiales comme Joël Barre, Hervé Guillou, Chuck Allen de Boeing, et des responsables d’agences comme Gerard Brachet (ex-cnes), Stéphane Janichewski, M. Favier du CNES, ou Jean-Paul Poncelet de l’ESA. L’intérêt principal de ce genre de réunion était de confronter les opinions sur un sujet hautement d’actualité. Nous avons déjà abordé à travers les derniers textes parus sur notre site Internet les idées qui furent exprimées lors de cette conférence. En dépit de ce fait, il faut reprendre les quelques idées forces qui ont été émises et prendre position.

Avant tout, il s’agit de mettre en avant, à nouveau la différence sémantique de compréhension du terme ‘’exploration’’ entre Etats-Unis et les Européens. Que l’on considère comme M. Sabathier du CNES (bureau Washington DC) que les vols habités ne sont pas une priorité de l’Europe et qu’ils ne le deviendront pas ou comme certains membres des agences nationale de notre continent (nous pensons ici à la position ‘’anti-espace habit钒 de M. Schrogl de la DLR – ou dans une moindre mesure l’opinion de M. Sacotte à l’ESA qui nous fait passer Rosetta ou Smart-1 pour de l’exploration nouvelle…) qui sont en décalage complet sur la définition même de ce qui faut faire comme exploration dans un cadre européen : la situation reste la même : les américains sont venus à cette réunion avec des propositions concrètes et une réelle volonté de faire progresser les choses – peut-être même s’accaparer le projet…- les européens, eux, dans leur grandes majorité, ont à nouveau tergiversé.

Il est tout à fait louable de discuter des modalités de la future coopération. Il faudra le faire mais ne devrions nous pas nous engager dans un programme spatial d’exploration concret au niveau européen ? Et si nous n’en avons pas les moyens (ce que certains aux CNES, DLR ou à l’ESA essaient de nous faire croire), pourquoi ne pas souscrire à l’offre américaine plus rapidement ? Coopère t’on vraiment du fort au faible ? Sommes nous vraiment en position pour discuter des modalités de notre souscription à ce projet ? Sinon en tant que partenaires crédibles, qu’avons-nous à proposer ? Autant de questions qui auraient mérité d’être posées ! Du coté américain, il est évident que ces derniers veulent garder la direction du programme MMI et imposé leur propre cheminement (modèle du F-35/JSF) puis étudier la part à internationaliser afin de l’ouvrir à la coopération – une perspective qui ne plait absolument pas aux Européens – mais peut-on leur reprocher vraiment ce travers, en sachant qu’en face d’eux il ne se trouve aucune force de proposition ? Alors quoi qu’en dise Messieurs Logsdon et Dupas dans l’Aviation Week and Space Technology du 5 Juillet 2004 (page 70), ou Christian Cabal dans Space News du 12 Juillet 2004, la réalité rattrape les belles intentions : les européens, à part les quelques schémas-type de coopération proposés (et pour lesquels nous sommes, parfois, d’accord – comme l’idée d’autonomie partagée de M. Favier du CNES), n’ont rien a proposer de très novateur depuis Aurora. Les américains, entre temps, ont su se remettre en question, bâtir idéologiquement MMI, poussé politiquement pour un soutien, un véritable débat s’en suivit et des propositions concrètes industrielles commenceront à poindre d’ici peu. La réalité est cruelle mais nous rappelons à nos lecteurs le compte rendu édifiant de Christian Lardier dans Air et Cosmos N° 1942 à propos du conseil de l’ESA et le quasi non-financement d’Aurora (14 millions au lieu 40 millions d’euros !) : ceci est la réalité européenne. Comme association citoyenne notre rôle est, bien entendu, de soutenir ce genre de programme (Aurora/Inspiration) mais il s’agit d’être lucide et de s’apercevoir que pour rendre le programme MMI ‘’sustainable and affordable’’ (durablement et le rendre possible) il faudra s’engager concrètement dans des programmes comme Aurora ou Inspiration, les financer et les finir et pas seulement parler dans des réunions pour refuser toutes les propositions faites. Nous ne sommes plus en position d’avoir ce comportement.

En réalité il existe deux scénarios de sortie possibles : soit accepter les propositions américaines et les discuter au minimum car nous ne sommes pas en position de le faire, soit s’engager, et c’est la position de la NSS France, dans un programme spatial d’exploration habitée ambitieux dans un premier temps de manière autonome pour ouvrir à moyen terme l’exploration à la coopération avec nos partenaires américains, russes ou chinois. Maintenant la position actuelle européenne qui consiste à refuser le schéma du JSF et proposer une coopération d’Etat à Etat, alors même que nos Etats – ou l’Europe- est incapable de s’entendre à travers le vecteur commun qu’est l’ESA est en réalité utopique. Le JSF n’est sûrement pas le modèle idéal mais la coopération d’Etat à Etat, l’est encore moins dans le contexte actuel ! Et je le répète pour une meilleure compréhension : ‘’dans le contexte actuel’’. L’ISS, ou le Spacelab en sont les exemples les plus flagrants ! Tout en sachant que l’Etat européen ne sera pas mûr avant au moins dix ans selon un des architectes de l’actuelle Constitution européenne : Valérie Giscard d’Estaing. Nous sommes à nouveau dans la position du ‘’donneur de leçon’’ inefficace et passive. John Logsdon à la fin de la conférence conclut par cette phrase qu’au moins le débat était lancé mais qu’il n’avait pas progressé comme il avait voulu ou comme il aurait pu s’attendre lors de ce symposium. Evidemment, dans un monde idéal l’exploration spatiale serait une activité partagée et globale. Mais que Messieurs Logsdon et Dupas ne s’attendent pas à ce que cela advienne : nos ‘’space leaders’’ sont trop emprunts de réalisme et de concret pour se préoccuper de ce genre de prérogative. Alors réclamer comme dans l’AWST du 5 juillet 2004, une exploration spatiale emprunte de coopération et d’engagement commun risque de rendre la donne encore plus complexe qu’elle ne l’était avant ! Nous ne sommes pas dans un monde merveilleux et nous ne l’avons jamais été. Aucune exploration rentable ne s’est faite conjointement dans un esprit de découverte pure dans une perspective d’évolution de l’espèce humaine. La NSS France soutient, bien entendu, ces idées sous-tendant l’idée de spacefaring civilization mais l’exploration doit faire place à l’exploitation et à l’extension des activités de l’Homme dans l’Espace : les belles idées s’évaporeront alors aussi vite qu’elles ont été émises. Mais il y a certaines réalités situées au niveau du champ politique, diplomatique, stratégique et surtout commerciale qui nous fait croire que seule une politique spatiale autonome dans un premier temps, permettant d’insuffler l’effort nécessaire au niveau décrit précédemment, pourra être abordée comme une vraie perspective d’avenir. Les Européens, lors de ce symposium, globalement n’ont pas proposé de programmes, ni de propositions concrètes de coopération à l’encontre des américains : ils écoutèrent, débattirent puis refusèrent sans rien proposer ! Le trait est volontairement caricatural mais assez proche de ce qui s’est passé : il y eut beaucoup de désaccords entre les européens (position de la DLR sur Aurora faisant enrager l’ESA, la position très tranchée de M. Blamont) et peu de décision. Les mauvaises langues vous diraient que ce n’était ni le lieu ni le moment à la veille d’un conseil de l’ESA très mitigé pour l’exploration. Il est tout de même assez paradoxal d’entendre dire M. Janichewski parler d’efficacité en promettant des initiatives à venir tout en contemplant les programmes concrets de cette agence. Permettez moi de penser à nouveau que la Vision de M. D’Escatha ou même Bensousan est sûrement moins ambitieuse que messieurs D'Aubinière, Auger, Coulomb, Bignier, Sillard, Pellat, D'allest ou même Brachet. Actuellement en Europe, et particulièrement en France, on attend toujours que l’autre ait commencé à faire ‘’quelque chose’’, ou que ce ‘’quelque chose’’ ait fait ses preuves, pour ensuite ‘’étudier nos possibles implications’’ dans ce projet. Honteusement passif. Quant à croire que l’on puisse dès le départ tabler sur une coopération d’Etat à Etat comme le souhaiteraient globalement les Européens, ou messieurs Logsdon et Dupas, ou inscrire dès le début MMI dans une perspective internationale serait faire preuve d’une faiblesse politique majeure pour l’Europe. A moins d’une révolution culturelle majeure, aucun Etat politique européen n’est prêt à soutenir, avec la conviction américaine, une initiative d’exploration spatiale aussi ambitieuse. C’est sur ce plan là que la NSS France travaille tous les jours et émet des propositions : la vraie naïveté se situe ici : croire que les américains nous offriront un programme déjà bâti et où, nous, européens pourrions choisir les modalités de coopération ainsi que les prérogatives qui iront avec : le beurre, l’argent du beurre et la crémière ...

La NSS France eut l’audace de faire des propositions, de réagir à l’actualité et surtout d’émettre des idées. Ce travail est si peu fait en Europe et s’il était, nous aurions un programme engagé concret qui s’occuperait à bâtir une infrastructure spatiale européenne efficiente. Le symposium nous a montré à nouveau à quel point il fallait faire des propositions politiques pour l’Europe et à quel point il devenait urgent de bâtir une vraie politique spatiale. L’étude de Goldman Sachs parue l’année dernière et citée comme preuve dans l’article de messieurs Dupas et Logsdon ne peut s’appliquer comme cadre à de futures décisions politiques ! bien au contraire, une attitude politique consisterait à dire : ‘’faisons mentir cette étude et faisons tout notre possible pour changer cette donnée qui semble immuable’’. De plus notons que cette étude ne tient pas compte de l’innovation réelle investie comme l’extension de l’Hommes dans l’espace qui pourrait rapporter gros et faire à nouveau démystifier cette étude. Ne plions pas nos politiques spatiales pour les faire rentrer dans le cadre d’études économiques parfois trop linéaires. La volonté politique veut que nous ayons plus à proposer qu’une vision encadrée par des contingences aussi légères que la prospective macroéconomique. La volonté politique édifie l’avenir et non l’inverse. Il y a donc des priorités qui font qu’il faut s’engager dans un programme spatial ambitieux et soutenu fortement par les politique de notre continent. Un certain réalisme nous fait donc croire que la coopération à très court terme avec les Etats-Unis risque de nous perdre dans une passivité immuable et dans une faiblesse politique dommageable pour l’avenir de notre entité politique.

Nous reviendrons sur le modèle du JSF/F-35 et la position européenne politique exprimée récemment dans Space News pour très bientot.

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